Le commerce de la maison d'Ilîgh d'après le registre comptable
Paul Pascon
Le commerce de la maison d'Ilîgh d'après le registre comptable
de Husayn b. Hachem (Tazerwalt, 1850-1875)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 700-729.
(Tazerwalt, 1850-1875)*
L'antériorité de la formation du capital symbolique sur l'accumulation du
capital matériel n'est pas une découverte récente. L'idée est déjà chez Ibn
Khaldoun, ce qui lui donne beaucoup d'autorité, mais ne constitue pas en soi un
argument recevable. Il dit à peu près ceci : « Le pouvoir est un des moyens de se
procurer les richesses ; celui qui est déourvu de ce prestige que donne un haut
rang ne peut devenir trè riche !. »
En des termes difféents, la rélexion né-marxiste pose une question
semblable, celle de l'autonomie relative d'instances identifiés de la formation
sociale et de la manièe dont elles peuvent s'articuler, se prééer l'une l'autre et
se relayer. Au Maroc le jâ et l'entretien du charisme sont àl'oeuvre dans
l'histoire de toutes les grandes zaouïs, oùse combinent le rôe mystico-religieux
du chéifisme d'une part, et de l'autre, l'accumulation de la puissance matéielle.
L'extension du phéomèe est avéé sur toute l'éendue du territoire et au moins
tout au long des trois derniers sièles. J'en ai éudiépersonnellement trois cas :
celui de la monté de la zaouï de Tamesloht àla fin du xvine sièle 2, celui de la
zaouï Wazzaniya dans le Rif central, et celui de la zaouï de Sidi Ahmad b.
Moussa, dans le Sous. L'exemple choisi ici est celui des dynastes du Tazerwalt et
plus particulièement de deux éisodes de la réssite sociale de la Maison d'Ilîh,
séaré par un sièle et demi d'élipsésur la scèe éonomique du Sud-Ouest du
Maroc.
Le schéa délaréàchaque fois est le mêe. Il a éééoquépar Gellner pour
un cas mal placéet qui n'a pas eu de suites matéielles dominantes 3. Au déart,
l'ancêre est un mystique qui mèe une vie ascéique totalement déaché des
biens de ce monde. Il s'adonne àl'adoration divine et àl'approfondissement de sa
foi. Il est probablement d'origine chéifienne, le plus souvent idrissite, mais cela
n'est réééque bien plus tard, aprè sa réssite socio-politique : on pourrait
presque dire comme réompense de cette réssite mêe. Anachorèe, il est audessus
du commun, au-delà àpart de la vie tribale du lieu. Il cultive une sorte
* Nous avons simplifiéla transcription de Musàen Moussa, Hašm en Hachem ; Abdallah,
Abd-ar-Rahman? Ali ne sont pas prééé de '.
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P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
d'inversion dans sa personne. Autant son physique est chéif, pitoyable, autant sa
pensé est forte. Son méris pour les biens matéiels, la nourriture, les offrandes,
se mesure àsa gééosité: il donne tout ce qu'il reçit ; il ne tarde pas àêre le lieu
de la redistribution gééalisé. Les hagiographes ne manquent pas de dérire les
repas pantagruéiques qui se tiennent sous son éide alors qu'il est notoire qu'il ne
possèe rien 4. On parle de miracles. Plus prosaïuement, le saint joue une
fonction de réartition, et peu àpeu assure un éuilibre frumentaire, réuisant les
effets excessifs des inéalité sociales, des inéalité réionales et des fluctuations
interannuelles. Il est indiscutable que dans cette éonomie de l'offrande reçe et
du don distribué la compensation se trouve dans la circulation du charisme. Il y a
deux méanismes tournant en sens inverse, éuilibré par une comptabilitéen
partie double de la baraka d'une part, et de la sadaqa d'autre part. Le fait attestéqu'en déinitive le saint ne s'enrichit pas —un saint meurt pauvre ! —prouve
qu'il n'accumule que du prestige.
Les choses changent aprè la mort du saint. Ses héitiers vont géer le capital
symbolique. Ils ne peuvent préendre se tenir sur les sommets mystiques du
fondateur : l'air y est trop raréié; une telle capacitéd'ascèe ne se réèe jamais
dans une mêe dynastie. Les rôes socio-politiques assuré par l'ancêre peuvent
l'êre encore un temps au simple rappel de sa méoire, mais le relais de la
puissance matéielle ne tarde pas àêre néessaire. L'arbitrage cèe la place àl'organisation d'une police, la parole béie àl'ordre, l'espoir d'une citéde Dieu àla gestion triviale des hommes. La justice a besoin d'un bras séulier, celui-ci
coûe : il doit êre entretenu par le produit d'une richesse stable.
Que les héitiers imméiats soient les principaux bééiciaires de la
constitution d'un tréor assurant les fonctions d'un Éat, rien n'est plus éident. Ils
ne peuvent s'enrichir qu'en constituant cet Éat ; et, inversement, ils ne peuvent
consolider leur pouvoir qu'àpartir de l'accumulation d'une base matéielle. Mais
le plus remarquable est que le germe de la concentration des terres et des eaux
entre les mains des héitiers du saint se trouve dans les donations pieuses.
Nous avons de ceci des preuves irréutables et d'éoque. Il s'agit d'un
polyptique, du Diwan d'Ali Abu Damïa petit-fils de Sidi Ahmad b. Moussa du
Tazerwalt. Dans ce registre foncier sont indiqués par réion, séuia et village, les
propriéé des immeubles fonciers, hydrauliques et arboricoles du descendant du
saint vers 1 040 de l'Héire ( 1 630- 1631) alors qu'il avait éééevéàla souverainetédepuis une vingtaine d'annés. Un peu plus de trois mille titres de propriéésont
dérits dans cet ouvrage constituant un domaine de prè d'un millier d'hectares
irrigué, réartis sur la moitiéoccidentale de l'Anti-Atlas. L'esprit scientifique le
plus critique ne peut mettre en doute l'authenticitéde ce Diwan. Certes, il s'agit
d'une copie effectué vers 1047/1637, mais la préentation, les préautions
canoniques et le protocole d'exposition ne peuvent êre altéé par quelques
grimoires subrepticement rajouté dans les pages blanches àdes éoques plus
basses. Ce registre permet de connaîre, anné par anné, l'accumulation foncièe
de la dynastie, la valeur des terres ainsi acquises (en onces d'or ou en mitqal
monnayé), leurs surfaces, les lieux et les limites. Une visite sur place, en
septembre 1979, a permis de reconnaîre la permanence des lieux-dits, la
contenance des parcelles et la perpéuation des systèes de distribution de l'eau.
Que tire-t-on de l'analyse de ce registre ?
Tout d'abord que Sidi Ahmad b. Moussa n'avait reç en donation que de
minuscules parcelles dans la vallé mêe oùa éééifiéson sanctuaire. Son fils et
10 701
LES FORMES DU SOCIAL
son petit-fils, tous deux préommé M'hammad, ont reç en don une dizaine
?ectares et en ont achetéune autre dizaine 5.
Quand l'arrièe-petit-fils Ali accèe àla souverainetéen 1022/1613, àla mort
de son frèe Ibrahim (dééésans héitier), ils avaient tous deux en indivis une
centaine ?ectares. A partir de 1 025/1 6 1 6, Ali achèe àtour de bras. Il a réni un
millier ?ectares irrigué en une quinzaine d'annés grâe àson rôe politique. Ce
qui peut êre affirméen toute certitude àpartir de textes véifiables. Ici le mystique
a préééle politique, qui a prééél'éonomique.
Bien entendu, àpartir de là l'ordre des facteurs va se renverser, et la réssite
politique de Abu Damïa n'ira pas sans une extraordinaire expansion
éonomique. S'il commerce avec Tombouctou, les îes Britanniques et les Pays-
Bas, c'est bien sû parce qu'il a le monopole de la circulation et du commerce dans
tout Lloer Ssaqhua' rAal i omcceiudretn (t 1a 0l.7 0/ 1659), il est àla têe d'un petit empire allant du Dra àla mer, de l'Atlas àl'oued Noun et largement ouvert sur le Sahara.
Moulay Rachid ne s'y trompe pas qui, dè la conquêe de Marrakech obtenue,
se porte au Tazerwalt, ruine la forteresse d'Ilîh, et disperse les héitiers d'Ali 6 au
Sahara, laissant les habitants des lieux se distribuer les terres accumulés par le
dynaste. Durant cinquante annés, les descendants du saint vont errer avec les
nomades Ayt Oussa et vivre aux déens de la zaouï d'Assa. En 1117/1 695 leur
retour est timide en la personne de Yahya. Ce dernier n'ose mêe pas fixer sa
réidence àIlîh dont les feux sont éeints depuis soixante-cinq ans. Il se tient àune dizaine de kilomères plus au sud, prè d'une petite source, et se comporte trè
modestement, tout àla déotion de son ancêre Sidi Ahmad b. Moussa (fig. 1).
Et l'histoire recommence, moins mystique, moins forte dans ses ardeurs que
la geste de Sidi Ahmad b. Moussa, mais nous sommes àla fin du xvine sièle. Le
capital que gèe alors Ali b. Yahya est de nouveau du capital symbolique : celui
du saint ancêre, mais aussi celui de son homonyme aïul dont le souvenir est
restéintense. Il suffit d'un affaiblissement local du makhzen alaouite lors de la
succession de Moulay Hicham, pour que de nouveau la maison ?líh soit
appelé àde grandes destinés. Les tribus alentour déignent Hachem b. Ali
comme leur arbitre naturel, protecteur des marché et moussems. Certes, il n'est
pas nommécomme un souverain —il n'y a pas de vide du pouvoir dans la
communautémusulmane àcette éoque —mais il prend ses distances avec le
makhzen alawite et se comporte localement comme un dynaste complet. Il
reconstitue alors son capital matéiel (terres, eaux et plantations) àpartir de deux
sources : le produit de son rôe politique (arbitrage, police, justice et fisc) et de ses
activité commerciales (caravanes) et bancaires.
Nous avons la chance de connaîre trè exactement l'ensemble de ce processus
grâe aux registres comptables tenus par Hachem et par son fils Husayn. Dans ces
kunnach sont enregistré chaque jour les opéations commerciales, fiscales, les
sanctions et les amendes, les réultats d'arbitrages, les prês bancaires sans intéê
et les prês commerciaux -, et aussi des notations plus subjectives et politiques sur
les difféends locaux. L'abondance et le foisonnement de l'information sont
considéables. On compte un peu plus de deux mille opéations politicocommerciales
en dix ans.
L'examen minutieux de cette masse documentaire montre qu'àpartir de 1 850
les activité éonomiques vont devenir principales dans la monté en puissance
des héitiers de Sidi Ahmad b. Moussa. De nouveau ils se sentent des ailes leur
702
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
pousser, ils commercent àlongue distance, nouent des relations avec les
puissances érangèes sur la côe occidentale du Sous, àAglou et àIfni, et sont en
passe d'acquéir une autonomie de pouvoir qui confine àla souveraineté7.
TABLEAU DYNASTIQUE DE LA MAISON D'iLIGH
tazarwalt 927--
IBRÂÎ(1)
1020-1022
ayt ???
1258-
1303-
1335-
1376-
(9) ABU CALÏAL HUSAYN
Pld haSem
(10)
MUHAMMAD
(?)
L ï(12)
AL-HUSAYN
M USA
AHMAD
M ' HAMMAD
M' I
HAMMAD
1022 -
1070-
ABÛCA
ABU I
HASUN
L T
damTca
MUHAMMAD
(2)
AHMAD (4)
111?- YAHYA (5)
lk L T
1216 -
1240
1258
H ? S E M
CA L îMÉINIDES
- 900
AHMAD
AL-CÂJ
MUHAMMAD
? 950
ABD-ALLAH
AHMAD
AL-MANSUR -1000
ZAYDAN
MUHAMMAD
A§-§AYH
?1050
RÀÏ
ISMÂÏ
-uoo
CABD ALLAH™"
MUHAMMAD
SLÏÂ
CABD ARRAhfiÂ
MUHAMMAD
AL-HASSAN
AZIZ
YUSUF
MUHAMMAD
AL-HÂIS
AL HASAN
-1200
-1250
- 1300
-1350
-1400
703
LES FORMES DU SOCIAL
Les expéitions plus diplomatiques que militaires de Hassan Ier, en 1882 et
1886, ramèent la Maison d'Ilîh sous l'autoritédu Makhzen et le fils de Husayn
est nommécaï. C'est le déut de l'involution du phéomèe, la famille perd peu
àpeu prestige et pouvoir et se replie sur des bases bien plus éroites, contrainte de
vendre les terres trop éoignés. Làencore le pouvoir et la gestion du capital
symbolique montrent a contrario son importance pour soutenir l'accumulation
matéielle.
L'objet plus préis de cet article concerne les rôes joué par la Maison d'Ilîh
dans le commerce du Sud-Ouest du "Maroc au milieu du xixe sièle. Certes, nous
sommes assez bien informé des aspects globaux du commerce transsaharien
occidental du sièle dernier grâe notamment aux travaux de J.-L. Mièe 8,
J. Caro-Baroja 9 et E. W. Bovill 10. Ces auteurs s'en tiennent pour l'essentiel àl'examen des réultats de ce commerce, de ses fluctuations et de ses difficulté vus
aux extréité des circuits : Es-Saouira (Mogador) et Tombouctou, àpartir des
documents douaniers, des archives consulaires et des relations des observateurs
européns.
Mais on est plus ignorant des conditions pratiques du commerce saharien, de
ses méanismes internes, des acteurs qui assurent la tréorerie, la banque, qui
frèent les caravanes, organisent la police, protèent les places commerciales. Le
systèe institutionnel qui permet l'existence mêe des éhanges n'est signaléque
par de brèes allusions de voyageurs érangers qui se sont aventuré au xixe sièle
dans ces réions difficiles: Charles de Foucault (1880), Oskar Lenz (1882) et
Jannasch(1886)u.
La déouverte réente des registres comptables, de la correspondance
officielle et privé et de documents divers (polyptique, rèlements de moussem) de
la Maison d'Ilîh permet d'apporter quelques lueurs nouvelles sur les pratiques
internes du commerce transsaharien occidental entre 1850 et 1875 àl'éoque où
aprè le blocage de Moulay Abderrahman, les éhanges connaissent dans cette
réion une léèe et dernièe réission.
Le registre de Husayn b. Hachem (??)
Le kunnach de Husayn b. Hachem al-Ilîhîse préente comme un fort
volume de 374 pages —numéotés ultéieurement au crayon —reliéen peau, àla manièe traditionnelle du Maroc. La couverture du dessus porte un rabat muni
d'une lanièe de cuir permettant de ficeler l'ouvrage. Le format est de
150 mmx 215 mm.
Une premièe lecture rapide des textes montre qu'il s'agit pour l'essentiel
d'actes de reconnaissance de dettes sous la forme de : « Un tel délare avoir reç
du chéif Husayn b. Hachem la somme de tant de telle monnaie, àtitre de prê de
tel ordre jusqu'àtelle date. Téoignéle..., signé» du nom du scribe et trè
rarement de lui-mêe. En travers d'un grand nombre de ces enregistrements, des
ratures, ou le mot halas, montrent que le bééiciaire du prê a rendu la somme.
Une lecture plus attentive met en éidence une bien plus grande profusion et
variééde documents. Peu àpeu, on perçit que toute la vie commerciale,
financièe, policièe et politique de Husayn b. Hachem transparaî àtravers ces
actes notarié comme je l'exposerai plus loin.
Aucun ordre apparent n'est d'abord déelable : d'une page àl'autre on saute
704
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
quatre ou cinq ans, en avant ou en arrièe, sans le moindre respect de la
chronologie. Il semble que les scribes aient utiliséle registre àla diable, l'ouvrant
au hasard, pour y inscrire, au milieu mêe de la masse de papier blanc, telle
affaire qu'ils devaient noter. Un examen plus minutieux permet de saisir la
déarche des usagers du kunnach. Celui qui éait une sorte de greffier, ou de
notaire de formation adoulaire, éait invitépar son maîre Husayn, àvenir dresser
devant le bééiciaire d'un prê, l'acte d'accord ou d'opéation. Il ouvrait le livre
un peu n'importe où àson déut en « bonne page » arabe, c'est-àdire en page
verso d'un livre françis, il réigeait son texte dans la moitiésupéieure de la page.
Lorsque ces bonnes pages éaient couvertes d'ériture dans leur haut, àl'occasion,
le greffier utilisait le verso (« mauvaise page » arabe). Quand l'emprunteur venait
rendre une partie de son dû ou les comptes pour une opéation commerciale
convenue (commandite, déô en consignation...), la rélisation éait inscrite
autant que possible dans l'espace laisséblanc au-dessous de l'acte, ou au-dessus,
ou àproximitédans les marges, ou encore dans les pages imméiatement
suivantes. Enfin quand tout le rèlement éait achevé le scribe barrait l'acte, soit
par le mot halas, soit par de grands traits, soit encore en noircissant largement la
page. Ceci éidemment n'a pas facilitéla lecture et explique qu'une cinquantaine
d'actes soient illisibles.
Ce n'est donc qu'aprè lecture complèe, déouillement et classement, qu'il a
éépossible de connaîre exactement la péiode d'activitéfinancièe et
commerciale enregistré dans le ? 3. Sur les 374 pages figurent 1 028 actes
comptables dont 849 sont daté, et 1 79 ne comportent pas de date lisible. Le plus
ancien texte est datédu 16.8.1265/07.7.1849 et le plus réent du 30.1.1300/
11.12.1882 encadrant plus de trente-trois annés solaires12. Plus préiséent,
89 % des actes daté portent sur la péiode 1 277-1 289/1 860- 1 872 qui correspond
presque exactement au rène de Muhammad b. Abderrahman.
/. Le chéif comme banquier
Le registre comptable éudiéici saisit l'activitéde la place commerciale d'Ilîh
comme largement orienté vers la banque et le prê d'argent. Si le kunnàh est
muet sur les déails du méanisme et du protocole, les héitiers ont gardéjusqu'àaujourd'hui une méoire attentive des procéures et des lieux. On montre encore
l'endroit oùse tenaient les adoul chargé d'enregistrer les actes ; on déigne aussi
les nombreuses pièes et portes qui permettaient de recevoir chacun selon son
rang, isoléent et àl'abri des regards pour êre entendu directement du chéif et
recevoir les sommes.
1 . Nature des opéations financièes et comptables
Les actes du registre recouvrent trente-cinq types d'opéations que l'on peut
regrouper en six chapitres principaux. Leur préentation permet de prendre la
mesure de la complexitédu systèe.
a. Reconnaissance de dettes par des tiers. Ce sont trè nettement les plus
nombreuses. Husayn semble avoir jouéle rôe principal de banquier dans la
réion. En particulier on note :
705
LES FORMES DU SOCIAL
—des prês gracieux avec ou sans terme fixé;
—des prês pour commandites commerciales ;
—des avances de capital pour des associations de production (béail) ;
—des ventes àcréit conditionnelles ;
—des cautions, garanties et endos de dettes pour un autre déiteur ;
—des prês d'esclaves, d'animaux ou d'objets (fusils surtout) avec mention de la
somme due en cas de disparition de la chose prêé ;
—des avances d'argent pour achats personnels au profit du prêeur.
b. Inscriptions de cotisations, taxes, impôs, amendes et rançns dus par des
tiers. Outre les impôs canoniques (aachur, zaka) rarement éoqué, on connaî
sous ce chapitre un grand nombre d'amendes de police pour meurtre (diya et
composition) et pour vol et agression (notamment sur la route des moussem, ou
durant ceux-ci). Figurent aussi les rançns dues pour la libéation de prisonniers
ou d'otages dont Husayn se saisissait pour amener tel lignage ou groupe àcomposition ; d'autres types d'amendes plus subtils pour déaut de respect d'un
bannissement. Les cotisations (gharam) dues pour la participation au moussem
sont éalement portés au compte de ceux qui ne peuvent les payer durant les
foires. Plus rarement, mention est faite de taxes pour services juridiques,
délacements ou services administratifs rendus.
? Reçs de paiements effectué par des tiers au profit de Husayn. Lorsque les
remboursements et paiements des matièes cités aux deux prééents
paragraphes couvraient les sommes dues, le scribe se contentait, dans la plupart
des cas, comme je l'ai dit, de rayer l'acte primitif. Mais le plus souvent les
emprunteurs ne parvenaient pas àrespecter exactement la totalitéde leurs
engagements et ils réartissaient la somme due en un nombre variable de
tranches. Au lieu de donner un reç volant, le scribe inscrivait sur le registre le
paiement reç par Husayn, àproximitéde l'acte de prê. On trouve donc dans ce
chapitre tous les paragraphes prééemment cité. En outre, y figurent les
changes de monnaies, les rèlements de commandites commerciales et éalement
les reçs de déôs àbut commercial, c'est-àdire de marchandises remises àHusayn en consignation.
d. Dons, offrandes et déôs sans but commercial. Les opéations de ce type ne
sont pas nombreuses dans le ? 3. On peut y ranger essentiellement les dons pour
des oeuvres pieuses (mosqué ?líh, sanctuaire de Sidi Ahmad b. Moussa), des
offrandes sans indication d'objet et qui semblent liés àdes actes de justice ou
d'intervention de Husayn au profit du donateur. On peut se demander pourquoi le
bééiciaire les a faites inscrire. Craignait-il d'oublier ? Enfin des déôs effectué
par des personnes déirant s'absenter (voyages, pèerinages).
e. Dettes de Husayn àl'éard de tiers. Les achats àcréit de Husayn figurent
rarement dans le ??, mais on y trouve les endos et les garanties de dettes
couvertes par lui au nom d'une personne déitrice d'un tiers. Dans ces derniers
cas le déiteur ne peut se déivrer qu'en préence du scribe et du créiteur, et, àdéaut, Husayn s'engage àacquitter la somme due àla date prescrite, faisant son
affaire de la poursuite du déaillant.
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P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
f. Délarations de paiements par Husayn àdes tiers. Dans le registre, Husayn
a fait inscrire les paiements qu'il effectuait àdes tiers, en particulier les amendes,
les achats ?sclaves, d'animaux et d'objets, le paiement des marchandises en
gééal, les locations et prix de services (transports), les paiements de travaux
engagé sous sa conduite au profit gééal (construction de mosqué, d'éifices
religieux ou publics).
Par cette simple enumeration on saisit la richesse exceptionnelle du registre et
la nouvelle lumièe que l'on peut en attendre sur la connaissance des méanismes
tant commerciaux que bancaires, éonomiques, administratifs et policiers.
Cependant la séheresse des actes préenté sous un protocole juridique ne permet
pas toujours de saisir toutes les implications sociales et politiques des opéations
formelles qui y sont transcrites. Il a souvent fallu, pour les comprendre, s'aider
des correspondances privés et des commentaires oraux des descendants de
Husayn. Je suis bien conscient de ce que les délarations des déenteurs actuels de
ces documents sont faites plus d'un sièle et trois gééations aprè l'éablissement
du registre. Mais nous avons affaire ici àdes personnes trè instruites, formés àla
conservation de la méoire et qui ont ééinformés, selon leurs dires, par leur
bisaïul Muhammad de la manièe de lire le registre. Enfin, le type de commerce
pratiqué s'il a changéd'ampleur et d'objet, maintient cependant aujourd'hui
encore largement les usages et les procéures traditionnels.
2. Les prês et commandites
Quatre-vingts pour cent des actes financiers du registre portent sur des prês
monéaires et des déôs de marchandises. A propos des prês monéaires, la
question est toujours d'assurer qu'ils sont faits sans agios d'intéê et par suite
parfaitement gracieux et léaux. Mais àtravers les textes, leur formalisme et les
omissions spéifiques de certains d'entre eux, il est possible de distinguer les prês
àtitre gracieux, des prês de commandite ou d'association commerciale.
a. Les prês gracieux sont consentis sans intéê àdes personnes qui sont dans
le besoin, soit « pour l'amour de Dieu » (et que cela se sache), soit au profit de
gens que l'on veut s'attacher, que l'on veut obliger ; soit : sans déai fixélorsqu'on
veut se les attacher sans limites, ou les neutraliser pour leur interdire de prendre
parti contre vous dans n'importe quelles assemblés ou circonstances ; avec déai
de remboursement, pour des personnes de moindre importance, àqui on pourra
rappeler sèhement le retard, et que l'on sait devoir êre tenues de prè.
Ces distinctions ne sont pas le réultat de la seule analyse du contenu formel
des actes, mais tiennent compte des commentaires que le petit-fils de Husayn m'a
faits lui-mêe.
L'idé que Dieu anéntira les profits de l'usure et vouera àla géenne les
usuriers est reprise dans au moins sept sourates. Dans ces conditions, le prê
d'argent entre musulmans ne peut êre que gracieux et c'est bien ainsi qu'il faut
comprendre le formalisme rigide des actes de prês.
11.1/22.10.1849
Louange àDieu seul !
Haysû b. Bni Salim b. Sa'id Ibrahim a reconnu devoir 70 mitqal et 5 onces, en
707
LES FORMES DU SOCIAL
monnaie ?rgent rahmaniya au chéif, notre Maîre al Husayn b. Hachem al-
Ilîhîau titre de prê gracieux (Salaf an wa ah sanan)...
Les prês . gracieux repréentent prè du quart des opéations financièes du
chéif au rythme moyen d'environ quatre par semaine, souvent le jour du souk du
jeudi àIlîh. Avec une éonnante réularitétout au long de Tanné, sauf au mois
de juin, les bééiciaires de prês sont rarement des emprunteurs attitré ; ils ne
s'endettent, pour 90 % d'entre eux, qu'une seule fois. La moitiédes prês gracieux
sont faits sans déai de remboursement fixé(exactement 51,80 96) avec des
formules aussi vagues que • « Jusqu'au jour qu'il voudra », « Jusqu'àce qu'il
plaira àDieu qu'il lui rende »... L'autre moitiédes sommes est prêé avec un
terme spéifié: 8 jours, 22 jours, telle foire...
32 % —à8 jours pour les petites sommes qui semblent êre consenties le jour du
souk du jeudi àIlîh. Peut-êre l'espoir de vendre un animal pour pouvoir
effectuer une déense n'a pas ééréliséet l'emprunteur, en somme, s'adresse au
chéif pour lui demander une tréorerie imméiate ;
30 % —à22 jours pour des sommes moyennes (de 20 à99 rial) qui néessitent
la rélisation de biens dans des ports (Aglou, Agadir, Es-Saouira) ou dans des
marché et foires réionaux ;
37 % —au prochain moussem de Sidi Ahmad b. Moussa pour des sommes plus
considéables, en gééal éales et supéieures à1 00 rial. Parfois il est spéifié: la
moitiéau moussem de mars et le solde au moussem d'aoû. Les remboursements
sont donc préus àdes dates qui correspondent àdes opéations commerciales en
liaison avec l'activitéagricole (vente du petit béail, réolte) ou aux grands
marché caravaniers (moussem d'octobre). Le terme moyen de remboursement
reste cependant inféieur àun an : 4 mois en moyenne pour « le moussem
suivant », 7 mois et 20 jours sur « deux moussem ».
Pour autant, les remboursements effectifs sont loin d'avoir cette préipitation
et cette rigueur. Dans 68 % des cas pour lesquels les informations sont donnés,
l'emprunteur a déasséun an et trois moussem. C'est dire que les clients de « la
banque du chéif » sont constamment en retard de paiement, et àdéouvert. C'est
par làqu'ils sont tenus 13.
Du point de vue de la masse monéaire en circulation, les prês sans terme
totalisent une valeur de 5 793 rial en moins de 1 0 ans ( 1 rial - 1 50 F aujourd'hui)
au profit d'une douzaine d'emprunteurs annuels, soit des emprunts de 50 rial en
moyenne avec un minimum de 1 0 rial et un maximum de 500 rial. Les prês àterme de remboursement fixésont de montants moyens nettement supéieurs àceux consentis sans terme : 80 rial en moyenne au lieu de 50. Avec une valeur
totale de 8 1 88 rial en dix ans au profit d'une dizaine d'emprunteurs annuels, les
emprunts sont de 10 à20 000 rial avec une moyenne de 80 rial.
Dans ces deux catéories de prês, plus de la moitiéconcerne des sommes
inféieures à30 rial. Les prês àterme se distinguent des autres en ce que leur
fréuence dans les fortes sommes est plus éevé.
b. Les commandites commerciales 14. Cette rubrique recouvre deux catéories
distinctes de financement :
—des prês avec intéê dissimulé par exemple pour les juifs ;
—de rélles associations commerciales.
Comme je faisais remarquer àmon hôe que le revenu, le bééice, de ces
708
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
deux catéories, éaient trè proches et pratiquement toujours éaux à1 5 % du
capital, il me fit la réonse rééatrice suivante :
Bien sû, si quelqu'un emprunte pour une opéation commerciale et ne
rélise pas suffisamment de bééice, on ne lui prêera pas de nouveau. Sauf cas
flagrant d'inhabileté il se peut que de lui-mêe, il préèe délarer avoir réliséun bééice qui encourage le prêeur àle financer encore. Mais ce n'est pas un
prê àintéê.
Casuistique ou tartuferie ? Nous ne saurions conclure sans preuves matéielles.
Trente-sept commandites commerciales ont ééfinancés par Husayn b.
Hachem de 1 853 à1 870 dont trente de 1 863 à1 870. Ces opéations consistaient
en la remise d'une somme déinie d'argent pour Tachâ àEs-Saouira de biens
manufacturé destiné àêre revendus dans les difféentes foires du Sous et
éidemment, en premier lieu, dans celles de Sidi Ahmad b. Moussa. La
marchandise une fois vendue, l'emprunteur rend le capital avancéet partage par
moitiéles bééices rélisé. Le capital de ces sociéé commerciales n'est pas
considéable : rarement au-dessous de cent rial, les plus grosses mises sont de
mille rial. La moyenne arithméique s'éablit à285 rial.
Le taux de profit est variable de 1 0 à20 % , parfois il est bien significatif qu'il
s'agit trè exactement d'un prê àintéê :
13.1/5.10.1853.
Muhammad b. Hajj Ahmad al Gallouchi al Maadari reconnaî avoir reç des
mains du chéif notre Maîre al Husayn b. Hachem la somme de 200 mitqal en
monnaie de l'éoque en vue d'un commerce de grains. Il devra rendre 1 1 2 mitqal
au chéif et 1 12 aux héitiers de Sidi al Hassan b. al- Qasem b. M'amoun... (soit
24/200-12 %).
On verra plus loin, dans le cas des dix sociéé de commandite constitués
avec des juifs le 23. 11. 1865, que le taux de profit a ééuniforméent de 1 5 % en
un an. La masse monéaire engagé dans ces opéations éant d'environ
1 000 rial, le rapport annuel des sociéé commerciales est d'environ 1 50 rial.
Ce qui est le plus remarquable dans le comportement bancaire de la Maison
d'Ilîh, c'est la gamme des solutions offertes aux bééiciaires des emprunts et la
relative réularitéde ces comportements durant les dix annés éudiés.
Nombre
N
110
37
101
%
44
15
41
Montants
Rial
5 793
10 547
8 188
totaux
%
24
43
33
Prês gracieux sans terme
Avec termes fixé
Prês àintéê/commandite
Totaux 248 100 24 528 100
II reste que par ces difféentes combinaisons le chéif d'Ilîh avait les moyens
d'une large emprise politique sur les gens de la réion et des possibilité
remarquables de drainage éonomique.
709
LES FORMES DU SOCIAL
3. La monnaie
Le registre de Husayn est particulièement riche en informations relatives àla
monnaie. On n'y déombre pas moins de 22 expressions monéaires difféentes
dont la signification n'est pas toujours claire quoique la contre-valeur ou le
change soit systéatiquement indiquéen mitqal ou en rial. Par suite, il est
possible de suivre trè exactement le taux de change des difféentes espèes et de
mettre en éidence les variations qu'elles subissent jour aprè jour, entre 1850 et
1875, dans le sud-ouest du Maroc.
D'une manièe gééale les marchandises commercialisés àcréit (achat ou
vente), les taxes, rançns, le sont en monnaie de compte (mitqal et uqiya) 15. En
revanche, les prês en argent et les versements sont libellé en espèes rélles,
dérites, exactement, avec leurs éuivalences soit en onces (uqiya), soit en rial (la
pièe de 5 F françise).
a. La monnaie marocaine. A l'éoque oùsont consignés les opéations
financièes sur le registre de Husayn, le monnayage d'or existait encore au Maroc,
mais trè réuit et probablement confinédans les villes capitales 16. Moulay
Slimane et Moulay Abd-ar-Rahman avaient frappédes bunduki et des petites
pièes d'or divisionnaires jusqu'au 1 / 1 6 de bunduki. Mais nous n'avons que deux
mentions de monnaies d'or dans le registre, encore s'agit-il de la rélisation de
stocks théaurises.
Les expressions monéaires marocaines se rapportent toujours àl'argent. A
cette éoque le mitqal n'est jamais une monnaie rélle. On a vu que le mitqal d'or
est trè rare (2 cas sur 1 028) ; ce n'est donc pas pour distinguer le monnayage
d'argent du monnayage d'or que le scribe prend la préaution de spéifier mitqal
d'argent. Il s'agit plutô de le distinguer du monnayage de bronze qui est la
monnaie la plus réandue, la plus courante pour les petites affaires et qui se
trouve pour l'essentiel entre les mains des petites gens 17. Le dirham d'argent vaut
éalement une once de bronze (30,594 g) et le mitqal vaut thériquement dix
onces de bronze (305,94 g), mais les personnes qui dominent la vie financièe ne
veulent guèe des pièes de bronze qui se déaluent sans cesse, plus vite que leur
cours léal.
L'expression mitqal d'argent dans les textes spéifie simplement que le prê ou
la marchandise sont éalué en argent et non en bronze donc que le
remboursement devra êre réliséen argent. Le numéaire d'argent citédans le
registre se préente sous la forme de pièes d'un dirham ou de quartiers. On
connaî des monnaies de Moulay Slimane (réiduelles) et celles de Moulay Abdar-
Rahman et de Sidi Muhammad b. Abd-ar-Rahman.
Jusqu'ici on connaî mal la valeur rélle de ces pièes. Celles qui existent dans
les collections nationales (banque d'Éat) ou dans les collections privés, sont de
poids d'argent et de titre extrêement varié. Par exemple, le dahir du 1 4.4. 1 268/
6.2.1852 18 distingue deux pièes d'argent frappés par Moulay Abd-ar-Rahman :
le dirham sudasi de 7 muzuna et le dirham ruba' i de 4 muzuna et demie. Les
éuivalences donnés avec les monnaies europénnes permettent d'admettre un
poids de 2,28 g d'argent pour le dirham sudasi et 1 ,30 g d'argent pour le dirham
ruba'i. Mais qu'en éait-il en rélité? Et avant 1852, le dirham éait-il vraiment
canonique et pesait-il 2,9116g d'argent fin? Rien ne permet de l'avancer.
Lorsqu'on examine la collection de Brethes, les pièes d'un dirham pèent de 2,7 à710
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
2 g. Bien que les textes du registre soient tous daté postéieurement au dahir
préité il est indiscutable que la monnaie dite rahmaniya qui circulait en
abondance dans le Sud aprè 1852 n'est pas le dirham sudasi de 2,28 g ni le
dirham ruba' i de 1,30 g, mais une monnaie plus ancienne de 2,7 g environ que
Ton s'est empresséde rogner àl'annonce de la réorme 19.
b. La monnaie françise. C'est la pièe de 5 F qui va s'imposer peu àpeu
irréistiblement comme monnaie éalon et comme espèe rélle dans les
transactions.
Les annés 1857-1858 semblent marquer un éisode radical dans la déoute
de la monnaie marocaine. Si, avant cette péiode, plus des trois quarts des
opéations monéaires sont passé en monnaie marocaine, aprè 1858 le dirham
n'entre plus en compte que pour spéifier 1 6 % des opéations financièes. Aprè
1868, la monnaie marocaine n'est plus cité que comme unitéde compte et non
comme espèe circulante.
Curieusement la monnaie espagnole n'est cité dans aucun des 1 028 actes
financiers. Les expressions rial roumi, rial kbir, qu'on trouve parfois n'ont plus
aucun rapport avec les distinctions anciennes du rial bu medfa'a ou real
columnata ou encore piastre forte dont le dahir de 1 852 fixe la valeur à20 onces,
soit un point de plus que les Françis.
En effet, alors que les pièes espagnoles voyaient leurs poids et leurs titres
varier, la pièe françise restait réolument fixé à25 g à900 %o, invariable dans
sa taille (37 mm), peu modifié dans son déor depuis 1855.
? Taux de change du rial àHigh de 1855 à1868
La valeur officielle du rial est connue durant la péiode concerné, par les
textes chéifiens réissant le taux de change de la monnaie érangèe. Si l'on prend
pour base éalon la pièe de 5 F françise, celle-ci valait l'éuivalent de 8 onces
(awaq) calculés àpartir de la lettre de Moulay ai-Hassan rapportant le taux léal
du dirham et du mitqal au temps de Muhammad b. Abdallah20. Le 7.5.1256/
7.7.1840, Naciri 21 signale que la piastre forte d'Espagne vaut 16 onces, la pièe
françise valait donc 1 5 onces et l'on connaî ce taux encore en 1 26 1 / 1 845 22. Le
14.4.1268/6.2.1852, un dahir de Moulay Abd-ar-Rahman fixe la valeur de la
pièe françise à19 onces23, l'information parvient àIlîh un mois aprè ; trè
remarquablement le scribe ne donne pas la valeur du real espagnol, il semble aller
de soi que seul le taux de change de la pièe françise est intéessant. Le
12.11.1278/11.5.1862, on connaî par une lettre de Sidi Muhammad b.
Abderrahman au gouverneur de Tanger que la valeur du rial est éevé à32,5 onces 24. On ne trouve aucune indication de cet ordre dans la correspon
danccheé ifienne d'Ilîh dans le registre, mais, on le verra, Husayn respectera ce
taux au cours de l'anné 1863. Enfin le 8.10.1285/22.2.1869, Muhammad b.
Abd-ar-Rahman tente de ramener le rial au taux léal en frappant une monnaie
de poids canonique, le rial vaudrait alors de nouveau prè de 8 onces 25.
Grâe àquarante-quatre éuivalences de change mentionnés dans le registre
entre 1855 et 1868, il est possible de se faire une idé plus préise des taux
réllement pratiqué et de la déaluation de la monnaie marocaine.
Jusqu'en 1 857 la valeur de la pièe françise de 5 F s'est léèement éevé à20 onces ; de 1857 à1859 une hausse la porte à25 onces. Puis àla mort de
711
LES FORMES DU SOCIAL
Moulay Abd-ar-Rahman une brusque déaluation de la monnaie marocaine fait
flamber le cours du rial jusque vers un sommet de 40 onces en 1860. Aprè
d'amples fluctuations autour de 34 et 35 onces durant les annés 1 861 à1 863, le
rial finit par s'éablir durablement, au moins jusqu'en 1 868, au taux de 32,5 onces
(fig 2).
33456 .-
32.5.
30 -
26.5-
25 -
20 .
19 -
OuquiíLettre
1121..1015..1 1287682
mitqâ
-3.25
_ 3
14D.0a4h.i r1 268
06.02. 1852
A ? D AR-RAHMANE
855 '56 ? 57 ? 58 '59
MOHAMMED B. ABD AR-RAHMANE
>V*-*>Jl.4-e *-*
,1 « I i8601 61 '62 '63 '64 '1865' 66 ' 67 '68 ' 1 ???< et ' , f
Taux de change du rial àIlîh Tazerwalt, 1855-1868,
d'aprè le registre de Husayn b. Hachem
d. La monnaie algéienne 26
De 1 855 à1867, quarante-cinq actes financiers du registre font allusion àune
monnaie «algéienne» sous les expressions suivantes: ryal jazâiri, ryal kbir
jaza 'iri, ryal badzir, ryal barba?, ryal budju et mêe l'expression curieuse ryal
fransis jaza 'iri (6 mentions).
Éartons d'abord réolument l'idé que des pièes françises d'Algéie, ou
frappés en Algéie par la France, aient pu circuler dans le sud-ouest du Maroc. Il
n'a jamais ééfrappéde monnaie àléende françise en Algéie mais seulement
des billets. Les espèes qualifiés dans le registre de Husayn ne peuvent êre que
des monnaies des deys d'Alger, du dey Ahmad de Constantine et trè peu
probablement d'Abdelqader, en tout cas toutes avec des léendes arabes.
Les seules monnaies algéiennes frappés en nombre susceptible de circuler
au Sahara et jusque dans le sud-ouest du Maroc ne pouvaient êre que les boudjou
et doubles boudjou de Hassan Hodja dey au nom du sultan Mahmoud III.
Déonéarisés àAlger en juillet 1 83 1 , on commence àles voir apparaîre dans le
712
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
registre en 1855 ?bord sous la forme phonéique de badzir —mis pour doriba
bi Djazair —puis se succèent les expressions grand rial algéien (probablement
le double boudjou), rial algéien (boudjou) et ce n'est qu'en 1 866 que l'expression
boudjou est utilisé pour remplacer totalement la déignation de rial algéien.
Aurait-on appris àIlîh au milieu de l'anné 1 866 que le « rial d'Alger » se disait
« boudjou » ? En 1 868 la monnaie algéienne semble avoir totalement disparu
(fig. 3).
1 ' •i i i i i i^i i f i i 7
monnaie algéienni
monnaie françise
34 1?789 1234 6 7 8 9 I 1 2 3
1855 1860 1865 1870
Fréuence relative de la circulation monéaire marocaine, algéienne et françise
dans le registre de Husayn b. Hachem
//. Le Tazerwalt comme place commerciale
Depuis l'ouverture du port d'Es-Saouira (Mogador) dans la dernièe moitiédu
xvine sièle, le commerce transsaharien àdestination de l'Europe a favoriséla
route du Sud-Ouest. Au milieu du xixe sièle, les routes du Tafilalt et du Dra ont
fortement réressé Deux voies occidentales sont en compéition : l'itinéaire
713
LES FORMES DU SOCIAL
côier bien tenu par le cheikh Beirouk de Goulimine et des Ayt Ba Amrane ;
l'itinéaire intéieur par le Tajakant (Tindouf) qui passe par Ifrane et le Tazerwalt
au profit du chéif d'Ilîh.
Le Tazerwalt, c'est-àdire le dipóe Sidi Ahmad b. Moussa oùse tiennent les
foires autour du sanctuaire du saint et High oùse trouvent le pouvoir et la banque
ainsi qu'un marchédu jeudi, devient vers 1850 la principale place commerciale
d'éhange entre les produits du Sahara, ceux du Sous et ceux venus d'Europe par
le port d'Es-Saouira 27.
1 . Objet des opéations commerciales
La lecture du registre permet de s'informer sur la variéédes matièes sur
lesquelles portaient les transactions. On peut déombrer plus de 87 produits qui
transitaient ou éaient commercialisé àHigh. Il est possible de regrouper ces
matièes en quatre grands chapitres :
a. Produits du Sud. Il s'agit de toutes les marchandises en provenance des
réions situés au-delàde l'oued Dra. On peut y comprendre : des esclaves
(féinins, masculins) ; des produits de cueillette (gomme, ambre gris, encens
soudanais) ; des produits de la chasse (plumes, oeufs et graisse d'autruches,
ivoire) ; des produits miniers (poudre d'or, sel) ; des produits de l'éevage
(camelins, poils de chameaux, peaux de Mauritanie).
b. Produits du Nord. Des textiles en gééal importé d'Europe, mais il n'est
pas toujours facile de le savoir (khant, haï, fil, drap, soie, feutre, chèhe, linge,
tissus en gééal) ; des produits artisanaux en provenance d'Es-Saouira et de
Marrakech (ceintures, babouches, sacs, peaux de bovins) ; des articles de
droguerie et de quincaillerie presque tous importé d'Europe (allumettes,
quincaillerie, vaisselle, mastic, méicaments, parfums et fards, fleurs séhés) ;
des armes et du fer importé (fusils, acier, fer).
? Produits réionaux. Il est question ici des articles produits dans le Sous
moyen, zone comprise entre l'oued Sous au nord, le parallèe de Goulimine-Noun
au sud, l'océn àl'ouest et le méidien de Taroudant àl'est, donc pour l'essentiel :
le pays Chtouka, les Ayt Ali, les Ida Ultit, les Mejjat, les Ayt Ba Amrane et les
Tekna du nord du Dra. Les marchandises réionales cités dans le registre
comprennent des produits miniers (chaux, soufre, cuivre, argent méal) ; des
animaux vivants (ovins, bovins, éuins, asins, camelins) ; des produits d'éevage
(laine, poils de chameaux, peaux, beurre salé ; des produits de l'agriculture
(grains, surtout orge, amandes, dattes, huiles, plants d'arbres) ; des produits de
l'artisanat (vaisselle, seaux en bois, clouterie et fer, peignes àcarder, outillages
simples, fusils et armes, machines simples, bijoux, vêements) ; des immeubles
(terres, maisons, droits d'eau, oliviers, antichrèe de terre) ; des hommes
(servantes, travailleurs quasi-serfs, juifs protéé).
d. Autres motifs ou matièes. Les actes du registre portent éalement sur des
articles immatéiels : police et justice (meurtres, captifs, otages, prisonniers, vols,
bannissements, interdictions de séour) ; des services (transports, procè, réaction
d'actes...) ; des contributions et taxes (cotisations, droits de participer au moussem,
714
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
impôs canoniques, autres impôs, aumôes, garanties, cautions, déôs, changes
monéaires, dots).
Il n'est éidemment pas possible, pour chacun de ces articles, de rendre
compte de toutes les informations donnés les concernant. Ne seront préenté
plus loin que quelques cas significatifs des principales transactions.
2. Les méanismes du commerce
Nous avons pu éudier prééemment les commandites commerciales qui
dissimulaient en rélitédes prês àintéê, mais de rélles sociéé commerciales
apparaissent dans les actes financiers du registre par la comptabilitépréise des
sommes engagés, des marchandises commercialisés et des prix. On y voit aussi
l'armement de caravanes àdestination du Soudan, des déôs en vue de ventes
conditionnelles et de ventes àcréit.
a. Les caravanes du sud. Un petit nombre de conducteurs de caravanes sudnord
sont en relation avec la Maison d'Ilîh ; on en connaî préiséent trois dans
le registre au long des treize annés et l'un d'entre eux, le cheikh b. Ibrahim al
Khalil as-Siba'i fait àlui seul plus de 80 % du trafic. Un autre du Tajakant est
spéialisédans la vente d'esclaves, nous y reviendrons. Ceci ne signifie pas qu'il
n'y avait qu'un aussi petit nombre d'armateurs de caravanes venant du sud, mais
que les autres n'apparaissent pas dans le registre car leurs marchandises sont
payés comptant ou commercialisés directement dans les foires et moussem sans
que le chéif en ait autrement connaissance que pour la perception des taxes.
La caravane qui arrive àHigh déose ses marchandises dans le méhouar du
chéif —l'endroit en est encore connu de nos jours. Le chef de caravane dispose
d'un rôe des marchandises avec indication de ce que l'armateur, restédans le sud
dans la plupart des cas, déire obtenir comme prix. La marchandise est déallé,
visité, coché sur le rôe et signalé dans le registre. Ces déôs sont faits en
consignation avec une indication de prix. Le chéif peut, s'il y va de son intéê,
verser imméiatement au convoyeur la somme demandé et acquéir ainsi la
cargaison, ou bien attendre que la marchandise soit acheté par des commerçnts
de la réion.
Dans le texte 168.1 du 3.9.1863, le chéif reçit en consignation un lot de
plumes pour lequel le caravanier demande 1 255 rial. Dans les huit jours qui
suivent, le chéif rencontre cinq acheteurs qui acquièent chacun indéendam
meunne tpa rtie du lot pour une valeur totale de 1 860 rial ; mais ils ne payent
ensemble que 659 rial. Le chéif alors complèe à1 255 rial (soit 596 rial) et
remet la somme au caravanier qui peut repartir. L'IHghîmettra un an àrecouvrer
les sommes dues par les acheteurs àcréit (1 860 -659 = 1 201 rial). Son
bééice a ééde 48 % .
Parfois l'expéiteur de produits méidionaux demande àrecevoir, en
contrepartie de leur valeur, une séie de marchandises spéifiés :
87.1/3.7.1860
Les marchandises du cheikh b. Ibrahim al Khalil viennent de nous parvenir
par les soins de Boubker Siba'i àsavoir : 28 r/7/de plumes que nous avons vendus
700 mitqal ; 90 nil d'ivoire vendus 360 mitqal d'une part, et encore 250 mitqal.
715
LES FORMES DU SOCIAL
Stop. Puis nous avons achetépour lui avec cette somme 60 pièes de khant pour
8 1 0 mitqal ; 40 tarfan améicains (?) pour 248 mitqal ; 3 chamelles pour 1 50 mt
et 5 onces ; 2 ritl de soie en éheveau pour 27 mt ; puis nous avons préevéau
titre de la zaka 64 m t et 8 ujuh (5 % donc) ; deux bricoles et cordes nous ont
coûé43 onces. La somme totale ayant ééemployé àces achats, la marchandise
préité a ééremise au caravanier pour êre porté au cheikh b. Ibrahim àTichit28.
b. L'armement d'une caravane vers le sud. En octobre 1861, le chéif arme
une caravane et l'envoie àson client le cheikh b. Ibrahim al-Khalil as-Siba'i àTichit et déaille les frais engagé pour cette opéation (121.2 et 122.1) :
// achèe :
16 chameaux
50 sacs et sacoches
Bâs et cordes
Location de sacs
// donne aux convoyeurs, àMohammad b. Abderrahmane
Uld Saddiq
Lhaj Mohammed al Maddahi
// charge :
1 60 pièes de khant
50 pièes de tissu
2 pièes de faraoun
1 chargement de soufre
50 livres de fleurs
Du fil et des aiguilles
20 pièes de drap rouge
60 livres de tusarghint (racine)
Du mastic
Encore 57 pièes de khant
Sur quoi il faut payer la Zaka
Total
Total
731 mitqal
91,1
4,2
31,2
500
500
400
2 040
105
7
172
23,8
51,7
49,6
28
235
641,2
167,5(5 %)
857,5
1 400
3 353,3
167,5
5-778:3
Soit un peu plus de 1 900 francs en 1861 ou 300 000 F en 1979.
c. La vente àcréit des produits méidionaux. C'est de loin l'opéation la plus
courante. Le déô des marchandises une fois fait àHigh et les convoyeurs éant
rélé par le chéif, il reste àcelui-ci àéouler son stock. Pour l'essentiel ces
produits ne sont pas rélisé dans les foires réionales mais confié àdes acheteurs
àcréit, juifs dans 62 % des cas signalé, qui vont en premier lieu àEs-Saouira
pour les offrir aux exportateurs européns (plumes, ivoire, gomme...), mais aussi
àTaroudant et Marrakech (esclaves, ambre, encens...) et mêe jusqu'àFè (un
cas).
En dix-huit annés les marchandises de 70 caravanes ont ééainsi éoulés
par le moyen de la vente àcréit, soit 3 à4 par an en moyenne, avec des
fréuences de 1 2 à1 5 caravanes en 1 863 et 1 866. La valeur totale a éépour cette
mêe péiode de 23 736 rial soit un montant moyen de 339 rial par arrivage
avec un maximum de 4 633 rial et un minimum de six. 52 % des apports
concernent la charge d'un seul chameau avec moins de 1 00 rial de valeur.
L'acheteur àcréit est éidemment un homme parfaitement connu du chéif
et dont celui-ci a des gages de fidéitéabsolument garantis. Comme je posais la
716
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
question àl'actuel chef de la Maison ?líh sur les risques encourus par son
ancêre dans ces opéations, il me réondit : ta Mon aïul courait moins de risques
que je n'en ai aujourd'hui : la famille de l'acheteur habitait dans l'enceinte de la
qasbah ?líh. »
3. Le commerce des plumes d'autruches
Durant les annés 1863 à1867, le commerce des plumes d'autruches est la
grande affaire du chéif d'Ilîh, au moins pour la part qui transparaî dans les
actes financiers du registre. Durant ces cinq annés de forte activité le chiffre
d'affaires du commerce de plumes a atteint 46 700 rial soit plus de 45 % du
chiffre d'affaires total enregistrédans le kunnàh n° 3, avec un maximum en 1863
de 1 8 200 rial.
Ces plumes sont en quasi-totalitédestinés àl'Europe. Emblèe et signe
ancien de richesse et de prestige, les plumes d'autruches deviennent un ornement
néessaire de toute festivitéet livré protocolaires :
La mode des dames n'éait pas seule àconcourir àla destruction dont ces
magnifiques oiseaux éaient menacé : l'Administration des Pompes funères et
les fameux réiments éossais des Highlanders concouraient éalement àcette
destruction par une grande consommation de ces plumes, surtout des plumes
noires 29.
L'essentiel de la production des plumes d'autruches commercialisés en
Europe provient du Sahara occidental et central d'une part, et d'Afrique du Sud
d'autre part. Si jusque vers 1869 l'exportation du Cap participe àpeu prè àla
moitiéde la fourniture de plumes en Europe, àpartir de cette date le fermage des
autruches en Afrique du Sud va concurrencer, puis ruiner, l'exportation
maghréine et spéialement marocaine, car l'Algéie colonisé verra s'implanter
des autrucheries de production. En 1878, l'exportation marocaine de plumes ne
repréente plus que 2 % en valeur de la consommation europénne.
Le registre de Husayn b. Hachem concerne donc les toutes dernièes annés
fastes de l'exportation marocaine de plumes, par le port d'Es-Saouira. En effet,
dè 1880, les plumes du Sahara occidental seront drainés vers l'Europe par
Tarfaya via les Canaries. Les expéitions de Moulay ai-Hassan dans le Sous
n'auront d'autre objet que de réffirmer l'importance accordé par le Makhzen au
contrôe du commerce transsaharien d'Occident et, en tout premier lieu, du
commerce de plumes àl'exportation, et d'armes àl'importation 30.
Dans le registre, la diversification des catéories est peu déaillé, on n'en
connaî que deux : la plume d'autruche mâe (dlim) et la plume d'autruche femelle
(tajakjijt), alors que la nomenclature commerciale sur les marché européns en
déombre vingt-huit. Il est fort probable que le déallage àIlîh ne donnait lieu àaucun tri, ce sont les acheteurs européns àEs-Saouira qui faisaient l'agrége 31.
Les prix des plumes sont éablis par ritl d'àpeu prè une livre et varient sur la
place d'Ilîh de 1 0 rial en 1 855 à22 rial en 1 868 avec un maximum de 25 rial en
1 861 . Alors qu'en 1 855 le prix àIlîh n'est que 34 % du prix d'exportation àEs-
Saouira, il atteint 61 % en 1863.
Progressivement les réeaux commerciaux du sud-ouest parviennent donc àmaîriser le systèe des prix pour mieux valoriser leurs marchandises. Mais àpartir de 1868 les cours s'effondrent en raison de l'arrivé en production des
717
LES FORMES DU SOCIAL
autrucheries du Cap, pour atteindre 93,24 F. Soit un peu plus de 1 8,6 rial en
Europe et moins de 1 2 rial àIlîh. Quant àla tajakjijt, la petite plume de basse
qualité elle ne vaut que 2 à3,5 rial la livre.
4. Le commerce des esclaves n
Onze ventes ?sclaves sont éoqués de 1853 à1868 dans le registre,
totalisant en tout dix-neuf esclaves dont trois hommes. C'est finalement trè peu,
si Ton en croit Beaumier qui avance qu' « une bonne moitiédes valeurs apportés
du Soudan le serait sous la forme d'esclaves noirs 33 ». D'aprè le chef actuel de la
Maison d'Ilîh, les esclaves transitaient par les moussem et particulièement celui
de Sidi Ahmad b. Moussa, marchéauquel assistait et sur lequel intervenait son
ancêre sans que pour autant « la marchandise » passâ par ses mains. Un vestige
de ce rôe se perpéue en ce que l'Ilîhîpréide encore aujourd'hui la fêe des
esclaves, en du al Qaâa, en l'honneur de Bilâ, affranchi par Abu Bakr.
Les textes distinguent bien esclave-femme (ama), de servante (wasifa) et
d'esclave mâe Cabid) dont un est dit châré(makbù).
Les prix moyens des esclaves tournent autour de 60 rial avec un minimum de
30 rial pour une fillette de sept ans et un maximum de 90 rial pour une femme
dite « de beauté».
///. Les acteurs et les institutions
Qui emprunte, commerce, éhange ?
Dans le registre, les noms des personnes contractant ou commerçnt avec
Husayn sont exactement spéifié, éidemment dans les formes de la convention
qui réissait alors les rapports de personnes. Ces déominations érites pour êre
lues àhaute voix, sinon publiquement, du moins en préence des intéessé,
doivent réondre àplusieurs conditions de bon sens :
—permettre l'identification préise de la personne par le scribe et par Husayn. On
remarque que certains noms sont suivis du laqab et de plusieurs ethniques voire
mêe du lieu de réidence ; il doit s'agir dans ces cas de personnes peu connues,
ou dont le nom seul pourrait prêer àconfusion ;
—respecter les relations protocolaires entre les personnes préentes et, par suite,
identifier le statut social.
Ce dernier point est intéessant car il permet de mettre en éidence la trè
grande variééde statuts, donc la profusion des types de rapports de personne àpersonne. On peut identifier 27 titres difféents, en sus de celui de Husayn, dans
tous les cas prééinents.
Avant d'entrer dans l'éude de quelques cas particuliers, il faut exposer
l'éonomie gééale de ces apostrophes.
Pourcentage des titres par catéories
Religieux
Sociaux
Politiques
Professionnels
Parentaux
38,5
23
19,2
11,5
7,7
100
718
P. PASCON LA MAISON DÏÎH
1 . Les statuts personnels
a. Les titres àconnotations religieuses ou de filiations éinentes. J'ai classédans cette catéorie les spéifications qui sont soit nettement de type religieux, soit
d'honorabilitéou de rôes àconnotations religieuses. Ainsi shéif (tous ici
d'ascendance adarissa), moulay, morabit censé êre descendants d'Almoravides,
faqir adeptes de confréies. Mais aussi chaykh et moqqadem quand il est préiséqu'il s'agit d'un sanctuaire ou d'un saint. Plus techniques : les expressions de qadi,
faqih et taleb, se rapportent àdes activité professionnelles de type religieux.
Enfin mention spéiale pour le titre de hajj qui ne revê pas àl'éoque un simple
attribut de réssite sociale quand on sait que le pèerinage se faisait àpied.
b. Les titres de difféenciations sociales. En têe inscrivons le titre de sidi
lorsqu'il n'est pas placédevant Muhammad. Il existe un cas de sayyida (dame).
Aprè quoi les autres titres sont ceux de personnes dominés : khàim (serviteur
non makhzéien ici), dimmi (protéé= juif), 'abid (esclave mâe), ama (femme
esclave).
? Les titres politiques. Constatons d'abord l'absence complèe de titres
makhzéiens (caï, khàim). On connaî le chaykh avec la mention de la fraction
ou de la tribu, mais il s'agit ici de chefs autocrates ; le moqqadem de telle fraction
ou groupe, de mêe Yamghar, Yinflass de jmâ. En somme, il s'agit de
repréentants déigné de groupes tribaux.
d. Trois titres professionnels sont identifié, encore que pour tâer
(commerçnt) on peut se demander s'il s'agit d'un titre àconnotation sociale ou
purement technique éant entendu que toutes les personnes dans le registre sont
consignés pour des opéations commerciales. Outre tâer, on a des maalmine
(artisans) et des secréaires (kàib).
e. Les titres parentaux ne préentent guèe d'intéê, il s'agit essentiellement
de fils et frèes.
f. A quoi il faut ajouter les personnes déignés par leur nom sans faire
prééer celui-ci du moindre titre, qui sont de loin les plus nombreuses (40 % du
total) et qui constituent une sorte de classe moyenne indifféencié au sein de
l'organisation tribale. Pour la plupart, ces « sans titre » sont de petits emprunteurs
de sommes àrendre au moussem prochain ou des personnes en retard de
paiement de leurs cotisations et de taxes commerciales.
Pour l'ensemble des huit catéories de titres les plus souvent cité, la
réartition est la suivante dans l'ordre déroissant de fréuence :
1 Juif
2 Cheikh
3 Faqir
4 Shéif
17
16
14
14
5 Sidi
6 Hajj
7 Moulay
8 Faqih
14
13
6
6
719
LES FORMES DU SOCIAL
2. Les juifs
On peut soutenir la thèe que les juifs éaient néessaires au fonctionnement
du commerce transsaharien et àsa rélisation finale dans les ports de l'Atlantique.
Cependant, je ne le ferai pas ici n'ayant pas suffisamment accumuléd'info
rmations nouvelles sur ce thèe préis. Ce qu'il faut pourtant considéer avec une
certitude suffisante, c'est que les peuplements juifs sont tous éablis dans le Sous, àproximitéde forteresses seigneuriales capables de les protéer, et qu'ils sont dans
ces lieux au service d'un seigneur musulman. La situation est donc toute
difféente de celle des nombreuses juiveries du Haut Atlas qui bééiciaient d'une
relative indéendance et s'éablissaient souvent àl'éart 34.
Dans le Tazerwalt et les vallés avoisinantes, les juifs sont tous sous la
protection spéifié d'un chéif ou d'un cheikh. D'une certaine manièe, on
pourrait dire qu'ils sont dans une position de serfs puisqu'ils ne peuvent exister
sans maîre et que celui-ci peut les céer ou les acquéir àprix d'argent 3S. Le
registre ? 3 d'Ilîh comporte au moins deux textes confirmant l'existence d'une
situation quasi serve de juifs. Chaque grand seigneur protèe donc un certain
nombre de juifs, qui sont àson service tant pour la fourniture d'articles artisanaux
que pour procéer aux opéations commerciales, que celui-ci ne daigne pas
faire 36. Ainsi dans le registre de Husayn b. Hachem les noms de 48 juifs sont cité
pour avoir eu des relations commerciales ou financièes avec Husayn : 27 réidant
àIlîh, 15 àIfrane, 1 àGoulimine et 5 sans indication de réidence 37.
Le tiers des affaires traités concerne le commerce de plumes, de gomme,
d'ivoire, que les juifs convoyaient d'Ilîh àEs-Saouira pour les vendre àdes
maisons commerciales érangèes. Un autre tiers des opéations menés par les
juifs porte sur l'achat de produits manufacturé sur la place d'Es-Saouira àrevendre dans les difféents souks et moussems du Sous. Pour ce faire, les
commerçnts juifs constituaient leur capital en l'empruntant àHusayn en vue de
partager par moitiéle bééice avec le bailleur. Enfin, le dernier tiers des
opéations concerne des prês gracieux d'argent (12 96 du nombre des actes), le
change de pièes d'or ancien ou de poudre en monnaie actuelle, et d'inéitables
cautions, garanties et rèlements de problèes personnels difficiles àdéêer
dans la séheresse des textes.
La grande majoritédes actes concernant les opéations commerciales menés
avec des juifs est contresigné par eux-mêes en caractèes héraïues ; dans le
registre on trouve mêe une dizaine de pages comportant des actes entiers réigé
en héreu, confirmant, pour ceux qui ont déàéétraduits, les actes réigé en
arabe. Enfin un bon nombre de calculs figurant la liquidation d'une sociéécommerciale figure en héreu en pleine page.
3. Les cheikhs
On peut déombrer dans le registre l'existence d'une trentaine de cheikhs
ayant eu des relations financièes avec Husayn ; une dizaine d'entre eux
entretenant des rapports trè réuliers. Il s'agit pour l'essentiel de chefs des tribus
limitrophes du Tazerwalt et qui avaient àréler des problèes politiques et
financiers avec rilîhî Au moins le quart d'entre eux sont des cheikhs
hééitaires comme on peut le constater par le titre de leur pèe et aïul. En tant
que repréentants et chefs des collectivité limitrophes, ils doivent réondre du
720
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
comportement de leurs contribules lorsque ceux-ci sont déaillants. On voit donc
apparaîre dans le registre des endos de dettes, des paiements ?mendes, taxes,
rançns pour libéer des prisonniers impéunieux saisis la main dans le sac ou àl'occasion ?n délacement de police et enfermé dans la Maison ?líh.
Certains cheikhs des Ahsas notamment se font les interméiaires pour de petits
néoces, en particulier sur l'huile, les chères, les moutons, les produits primaires
réionaux.
Un des cas les plus intéessants, parce qu'on peut suivre sa destiné pas àpas
dans une quinzaine d'actes réartis sur huit annés, est celui du cheikh Ali b.
cheikh Mess'ud b. Alami al-Ahsasi. On le voit d'abord s'endetter pour de petites
sommes —30 rial algéiens en juillet 1863 —il aurait dûles rendre en octobre
mais àcette date il reconnaî devoir maintenant 242 mitqal (73 rial environ), en
juin 1864 il doit encore 55 rial françis, en novembre 1865 il en est à80 rial
françis. En férier 1866 Husayn l'a àsa main ; « il lui confie » 1 50 rial àtitre de
« commandite commerciale ». Cela signifie qu'il devra en somme rapporter au
moins 15 % de bééice pour le commanditaire. De fait, le 26.8.1866 il versera
79 mitqal au titre de bééice, le capital ayant éérendu intéralement soit
23,7 rial . Pour la petite histoire, le cheikh rend àHusayn, en outre, deux fusils
que ce dernier lui avait prêé. On ne commerce pas àl'éoque sans se protéer
contre les pillards. En mars 1 867, il s'endette ànouveau de 1 00 rial qu'il rendra ;
en mars 1 869 il emprunte encore 60 rial, il ne parvient pas àles rendre àla date
fixé, ils sont transformé en prê pour commandite commerciale. En
septembre 1871, Ali doit déormais 1 23 rial sur lesquels il finira par verser 1 8 %
de bééice. Plus nombreux sont des emprunts effectué par des cheikhs de
passage àIlîh qui empruntent et rendent de petites sommes de 20 à1 00 rial au
maximum.
Le grand commerce avec le Sud est le fait surtout du cheikh b. Brahim al-
Khalil des Oulad Abu Siba'a, grande tribu du Sahara occidental qui s'est
spéialisé dans le transport caravanier et la chasse des autruches. Ben Brahim
conclut une vingtaine d'opéations commerciales avec Husayn durant douze
annés. Ces transactions portent dans le sens sud-nord sur la vente de plumes
d'autruches et d'ivoire, parfois de quelques fillettes esclaves ; dans l'autre sens il
s'agit de produits importé (tissus surtout) que le Siba'i va vendre en Mauritanie et
dans tout le Sahara. Le chiffre d'affaires total a portésur prè de 4 000 rial pour
les seules plumes d'autruches, soit sur environ 600 000 francs actuels par an.
4. La séuritédes biens et des personnes
Dans l'ensemble des 1 028 actes financiers, 9 1 sont relatifs soit àdes crimes de
sang —meurtres —soit àdes vols et agressions suivis d'emprisonnement et de
bannissement. Les motifs de ces crimes et de ces sanctions ne sont pas toujours
spéifié mais dans la majeure partie des cas, il s'agit de crimes ayant rapport au
commerce. Par exemple, sur les 1 4 agressions en vue de vol, 1 1 sont perpérés
« sur la route du moussem » ou dans le moussem mêe. Les emprisonnements et
les bannissements visent éalement àsanctionner, dans 30 cas sur 37, des crimes
ayant rapport àla tenue des foires ou àla bonne marche des caravanes.
L'intéê de ces documents est de mettre en éidence le fonctionnement de la
police et les méhodes employés pour réoudre les problèes de séurité A lire
dans le déail les attendus des solutions utilisés, l'ambiance de guerre civile, de
721
LES FORMES DU SOCIAL
coupe-gorge et ?nséuritépermanente que nous donnent les voyageurs érangers
dans leurs narrations, se dissipe. La vie éonomique et la circulation des biens et
des personnes ne paraissent pas plus menacés, en somme, dans ce qu'il est
convenu d'appeler le bled siba, que dans le reste du pays oùle Makhzen fait la
loi 38. Les gens du Sud-Ouest avaient besoin de séuritépour vaquer àleurs
occupations, ils se sont donnéles institutions et les moyens de contrôer les
routes et les marché. En vingt ans le châeau d'Ilîh, pièe maîresse de ce
systèe de police, enregistre 40 crimes dont 1 0 meurtres, 1 4 vols et agressions ;
1 4 affaires néessitent des emprisonnements, 2 des bannissements. Quand on sait
que les trois foires de Sidi Ahmad b. Moussa drainaient plusieurs dizaines de
milliers de commerçnts et de clients dans Tanné, deux crimes par an ne crént
pas de trop insupportables circonstances.
a. Les meurtres. De 1854 à1872 le registre signale, en 30 mentions,
l'existence de dix meurtres qu'a eu àconnaîre Husayn al-Ilîhî Il s'agit pour la
plupart de crimes de sang perpéré entre des lignages en compéition. L'actuel
descendant de la Maison d'Ilîh explique que ces crimes relevaient d'agressions
sur les biens ou sur les femmes et ouvraient de véitables vendettas. L'importance
ancienne des conflits interlignagers a néessitéla fixation de rèles érites qui sont
en large partie conservés, pour le Tazerwalt et les tribus alentour, dans la
bibliothèue d'Ilîh. Ces qanoun stipulent le prix du sang dans les difféentes
tribus selon le sexe, l'âe, le statut ethnique et social et les circonstances du crime.
Ce n'est pas le lieu ici d'approfondir les variations existantes entre ces codes, ni
leurs relations avec le systèe soussi dans son ensemble 39, mais seulement de
tirer les grandes rèles qui transparaissent àtravers les documents du registre.
Au milieu du xixe sièle et autour du Tazerwalt, pour l'essentiel, l'auteur d'un
meurtre, ou son groupe, doit se conformer aux dispositions suivantes :
—offrir un repas gééal àla tribu ou au groupe de la victime ;
—payer le prix du sang (diya) selon le tarif stipulédans les chartes ;
—payer l'amende (insaj) au pouvoir, ici rilîhî
Le meurtre, le plus souvent, est l'affaire du groupe. Dans la plupart des cas le
meurtrier n'est ignoréde personne, il revendique aiséent son crime ; celui-ci
parfois a éédéidécollectivement, l'assassin n'éant que l'exéutant d'un lignage
qui a déàdéibéésur la manièe de couvrir les frais des sanctions qui vont lui
êre imposés. Lorsque le meurtrier a agi seul et qu'il ne trouve pas le soutien d'un
groupe assez puissant, le pouvoir peut saisir ses biens àconcurrence des sommes
dues, ou bien l'emprisonner jusqu'àce que ses contribules finissent par le
racheter, ou le bannir pour une duré déerminé.
Dè qu'un crime est commis et revendiqué les arbitres —ici l'Ilîhî—tentent de mettre d'accord les mandants de la victime et du meurtrier sur une
composition satisfaisante. L'annonce de la solution est publié le plus rapidement
possible afin que les membres, mêe éoigné, du groupe du meurtrier soient
avertis des circonstances et sachent s'il y a lieu de craindre ou non la vindicte des
allié de la victime.
Dans huit des dix cas cité dans le registre, seul le montant de l'amende
apparaî ; le prix du sang (diya) est rélédirectement aux ayants droit de la victime
sans que le montant en soit signalé Les amendes sont proportionnés àla qualité722
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
des victimes (status) et aux conditions dans lesquelles le crime a ééperpéré: le
montant de l'amende est d'autant plus éevéque le crime a éécommis en public
ou dans des lieux spéialement protéé (moussem, horm de zaouï, maison de la
victime), en d'autres termes, on fait payer le caractèe scandaleux et provocant
que revêent certaines exéutions publiques.
Ainsi l'assassinat du chéif de Taghast a coûé400 mitqal d'amende àla
famille du meurtrier, alors que le meurtre d'un simple Warza n'a donnélieu qu'àun versement de 1 40 mitqal. L'assassin de Zaffati, homme du peuple tué« sur le
chemin du moussem » lors d'un pillage, a dûverser 500 mitqal en raison de la
publicitéde l'acte ; mais celui qui a occis Ahsoun en pleine forê n'a dûpayer que
250 mitqal. Ces sommes repréentent 200 à600 quintaux de grains soit de 1 2 000
à36 000 F d'aujourd'hui.
La criminalitésemble augmenter aprè 1865. Alors que de 1 853 à1 865 on ne
cite que trois meurtres dans le registre (1857, 1861, 1 862), on en connaî deux en
1866 et cinq dans les annés 1870, 1871, 1872. On le verra pour les autres
agressions, l'anné 1 865 est une anné charnièe. Le renchéissement des biens, et
en particulier des cééles, donne àpenser que les annés 1 865-1 866 puis 1 870-
1873 ont dûêre de mauvaises annés agricoles aggravant les conditions
d'existence de la population du sud-ouest du pays. Le prix du blé en 1 860, est
moitiéde celui de 1870.
b. Vols et agressions en vue de pillage. Quatorze vols et pillages apparaissent
entre 1 854 et 1871, mais l'un en 1 854, un second en 1 859 et douze entre 1 866 et
1871. On note donc bien une flambé de déits et de crimes àpartir de 1866.
Lorsqu'une agression éait perpéré, sur la route et àl'éoque des moussem,
àl'aller comme au retour, elle éait signalé àHusayn al-Ilîhîavec le montant
justifiédes marchandises pillés. Trè souvent les transporteurs agissaient pour
des tiers qui spéifiaient sur des billets la nature et la valeur des marchandises :
une sorte de bordereau de caravane en quelque sorte. Dans le cas d'une
rélamation sincèe, al-Ilîhîremboursait imméiatement la victime et faisait son
affaire de la poursuite et de la sanction de l'agresseur. En quelques jours ou
quelques semaines, pour les cas enregistré dans le kunnàh, le pilleur éait
identifiéet ses garants ou repréentants venaient reconnaîre les sommes dues
comprenant le montant de la valeur restitué àla victime et une amende
suppléentaire que l'on pourrait appeler les frais de police 40.
? Captifs et prisonniers. Il n'éait pas toujours possible de trouver des garants
offrant des séurité satisfaisantes pour faire rendre gorge aux pillards. Il n'éait
pas toujours habile de s'emparer de leurs personnes puisque c'est libres qu'ils
éaient àmêe de rénir les sommes. Mais l'incarcéation s'est tout de mêe
rééé êre la solution adopté dans une quinzaine de cas signalé dans le registre,
sans qu'on sache toujours si l'emprisonnement éait dûàune sanction ou àune
capture rançnnable.
Comme pour les déits examiné prééemment, l'anné 1865 paraî êre une
anné charnièe : six personnes sont déenues en dix ans avant 1865 ; huit sont
déenues en trois ans aprè 1865. Dans ces déomptes ne sont retenus que les
prisonniers et otages dont l'IHghîs'est assuréla disposition pour d'autres affaires
ou déits que ceux cité au titre des meurtres et agressions déàéudié ci-dessus.
723
LES FORMES DU SOCIAL
A propos des zaouï, des chefs religieux, des chéifs, on a trop souvent
illuminéla façde, donnédu poids àleurs benoîes explications, et laissédans
l'ombre de plus triviales activité. Le pouvoir de la zaouï serait d'origine
mystique, religieuse, transcendantale, de l'ordre de l'éotéique (báin).
L'intercesseur trouverait dans ces rites le fondement mêe de son
rayonnement, de sa puissance. Ainsi il éendrait sur ces ouailles son orbe
salutaire. On ne peut contester complèement cette vision sacré et mystique des
âes thaumaturges, au moins pour les premiers grands ancêres, ceux qui furent
en somme sanctifié. Le mysticisme et la magie, dans leurs excè et leur
surnaturel, marginalisent assez pour rendre créible la personnalitéhors du
commun du chéif. La saintetén'est qu'un des paramères de l'exceptionnel. Il ne
faut pas trop lui accorder de vertus, une fois déeloppés les conditions de sa
réssite. Le populaire peut ne pas faire autrement qu'accepter d'êre abusé; les
grands préateurs ne sont pas retenus par les simagrés et le protocole dont
s'entourent les descendants du saint.
Ceux qui ont héitéde la rente mystique du saint aïul savent que leur
pouvoir ne peut êre consolidéet péenniséqu'àpartir de solides bases matéielles.
On sait que les donations foncièes et hydrauliques, mais aussi les achats, les
dettes rélés en nature, ont constituéde puissantes fondations relayant le revenu
de la collecte des aumôes 41. Ce que l'on connaî moins, c'est le rôe commercial,
judiciaire, policier, administratif, politique et fiscal des zaouï et des pieux
descendants des saints. On s'en doutait un peu. Voilàun faisceau de preuves
concrèes, des aperçs fascinants, des perspectives nouvelles ouvertes sur
l'arrièe-cour d'une puissante zaouï. Sans pouvoir affirmer le caractèe gééal
du phéomèe, il suffit de constater l'ampleur de ce cas préis pour admettre la
possibilitéde son existence en d'autres situations et de stimuler la recherche de
documents analogues.
Et tout d'abord, il faut admettre avec beaucoup d'autres 42 l'éroite liaison de
l'islamisation et du commerce àlongue distance dans cette partie de l'Afrique. On
n'a pas souvent expliquépourquoi. Abdallah Laroui se contente de faire
remarquer que « des colonies commerçntes (...), installés àla croisé des routes
dans un monde qui leur est hééogèe, vont fournir un modèe de vie publique et
privé... ». La question est : pourquoi le commerce àgrand rayon d'action est-il
liédans cet espace àl'islamisation ? A quoi on peut ajouter : pourquoi ce mêe
commerce a-t-il longtemps éétenu par des chéifs issus de thaumaturges
sanctifié ? Nous n'avons pas actuellement de réonse déinitive àceci, mais on
observera que le commerce àgrande distance implique le déassement des
antagonismes commerciaux àpetite distance. Dans des réions oùtout le monde
produit àpeu prè les mêes choses et a les mêes besoins, ces antagonismes
naissent de la compéition des entité productrices et des sociéé civiles qui les
encadrent. Leurs pouvoirs et leur séuritévalent dans les limites de leurs
domaines armé. Au-delà ils ne peuvent préendre àdes éhanges sûs. Entre les
espaces compléentaires (agriculteurs-pasteurs par exemple, plaine-montagne,
Sahara-Tell...), les éhanges se font dans des centres éhelonné le long de la ligne
724
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
de contact (dir, fount...). Ces centres ne peuvent appartenir àTun des groupes,
difficilement aux deux ; ils ne peuvent êre que neutres, mais ils doivent garantir
la séuritédes éhanges. D'oùla suspension des conflits durant les péiodes de
commerce et réablissement des places commerciales àproximitédes sanctuaires.
A plus longue distance, la gépolitique du commerce est plus complexe. Les biens
se transportent sur des chemins quelconques 43, àn'importe quel moment, àl'improviste. C'est le moyen d'éhapper aux coups des brigands sans de trop fortes
Dakhla
AUTRUCHES tajakant
•indouf
Les grandes voies du commerce transsaharien au xixe sièle
k«n
725
LES FORMES DU SOCIAL
escortes. « ...Une voie commerciale est un fait humain et non matéiel, les
variations ?tinéaires sont aisés et par conséuent fréuentes 44. » Le long du
chemin oui, mais aux deux extréité de l'éhange, sur les places commerciales,
il y a des faits humains et matéiels plus durables : l'existence d'un centre urbaniséqui offre des commodité suffisantes : séurité eau, proximitéd'un marchépotentiel, d'une population solvable, voisinage d'un nouvel espace oùéhapper
aux brigands ou bien oùla séuritéultéieure est possible.
L'islamisation et le chéifisme offrent au commerce des garanties suppléenta
ireIsdéo logiquement, l'islam submerge les particularismes. Il se situe en dehors
et au-dessus des parties concernés. Il éictéun code de relations supraconsensuel
et, par suite, acceptable par des groupes en conflit réiproque. Mais la
premièe preuve qu'il doit faire est celle de sa neutralitépar rapport aux acteurs en
compéition. L'éreuve de la neutralitéest souvent longue et ardue. Ne se réèe
neutre en déinitive que celui qui l'est vraiment. Sinon, tô ou tard, il acceptera de
s'entremettre au profit d'une seule des parties. Il faut qu'il ait réllement une autre
source de pouvoir et d'existence pour réister aux tentations d'un soutien
unilatéal.
C'est pourquoi le chéif est le plus douédans ce domaine. Il est mieux placéque quiconque pour surnager dans les risques de partisianisme. D'abord il vient
d'ailleurs. Au déart il est vierge de tout engagement local. Ensuite il a une
origine indiscuté. Celui qui ne descend pas du Prophèe ne peut dire de qui il
descend. On peut toujours soupçnner qu'il a des adhéences parentales avec l'un
des groupes locaux. Le chéif a la plus haute origine, il est, plus qu'aucun autre,
protéécontre la tentation de trouver un enracinement plus fort que cette origine.
Encore est-il déarmé(Gellner), au moins àses déuts. Donc il ne préente pas
le risque de troubler le jeu. Enfin il agit sous l'empire de principes inscrits dans le
ciel ; il n'est pas àla merci d'un consensus tournant et impréisible. Ses
intentions, sa ligne de conduite dans leurs principes, àleurs déuts en tout cas,
sont publiables et s'opposent aux parties.
La mobilisation de la force
Le saint est déarméavons-nous dit ; ses héitiers, s'ils protèent puis
contrôent le commerce ne peuvent pas le rester. Il faut garantir la séuritéde la
place commerciale, mais aussi les routes qui y mèent. D'abord dans les alentours
imméiats, au-delàde la stricte limite du honm oùse tiennent tapis les agresseurs
éentuels. Puis plus loin encore, en des lieux de passage obligé, enfin pour des
voyages entiers qui en demandent l'assurance et payent la protection.
La séurité autour des sanctuaires, des places commerciales permanentes et
des foires, est garantie par le systèe des amendes (gharama). Les marchandises
volés ou les meurtres donnent lieu àréarations particulièement lourdes lorsque
ces atteintes sont faites sur la route du souk ou de la foire. Les coutumiers sont
particulièement affirmatifs sur ce point et les déisions de justice ou d'impô le
spéifient expresséent. Les agresseurs potentiels y regardent àdeux fois pour
transgresser cette protection, ils ne le peuvent que s'ils sont assuré de n'avoir
jamais besoin d'y revenir ou de bééicier des aides des protecteurs du lieu. Ils ne
sont pas cependant hors de porté du protecteur qui peut avoir des hommes de
police et/ou peut utiliser les forces des groupes qui s'éuilibrent autour du horm.
A l'occasion il peut se saisir des agresseurs, de leurs complices, ou mieux, de
726
P. PASCON LA MAISON D'ILÏH
personnes et de biens placé sous la protection de ceux-ci. Non seulement les
agresseurs devront alors payer les amendes, mais en outre payer la rançn pour
obtenir la libéation ?n des leurs.
En attendant le déouillement complet du registre de Husayn b. Hachem par
une analyse déaillé de la commercialisation d'une part, et d'autre part avec
l'examen de la trè riche correspondance makhzéienne sur les problèes posé
par les tentatives commerciales des navigateurs européns sur la côe atlantique
du Sous, il est déàpossible de tirer quelques conclusions provisoires.
Tout d'abord remarquons qu'au milieu du xixe sièle, l'essentiel des flux de
marchandises qui transitent par High est déournédu marchéintéieur marocain
au sens strict, au contraire de ce qui se passait àla fin du xvine sièle. En d'autres
termes, une part préondéante des marchandises est importé et exporté :
l'espace éonomique marocain est simplement traversé: il sert de support
matéiel et politique àun transfert de produits conservé tels quels sans
transformation, entre des espaces éonomiques érangers qui n'ont pas encore fini
d'éablir entre eux des relations directes. Cette situation entraîera dans les
déennies qui vont suivre une extrêe faiblesse du systèe et encouragera les
actions des puissances érangèes vers le sud et vers la côe pour supprimer
l'interméiaire marocain et confisquer ses avantages gépolitiques vers le sudouest
saharien.
Le registre de Husayn b. Hachem apporte des téoignages irremplaçbles sur
le fonctionnement d'un systèe relictuel de commerce, déàfragilisépar la
menace d'autres courants d'attraction (Dakhla, Tarfaya, Aglou), que le Makhzen
tente de repousser au moyen des campagnes militaires de Moulay ai-Hassan dans
le Sous.
En second lieu, le registre montre excellemment que les éhanges
commerciaux àlongue distance néessitent de voir rénies des conditions
spéifiques préises que seul un petit nombre de personnages est en mesure de
garantir dans le sud-ouest du Maroc au milieu du xixe sièle. A notre
connaissance, seuls le cheikh Beyrouk et le chéif d'Ilîh, en compéition l'un avec
l'autre d'ailleurs sur ce terrain, sont capables de contrôer les flux et de procéer àl'éhange nord-sud des marchandises sur les places préises des moussems.
En troisièe lieu, àcette éoque, les éhanges ne sont ni continus ni
permanents. Ils sont au contraire rythmé par le calendrier séulaire de foires,
davantage lié aux anciennes fluctuations compléentaires de la production entre
l'espace éonomique marocain et l'espace sous-saharien, qu'aux conditions
contemporaines de l'industrie europénne.
Enfin pour garantir le fonctionnement du systèe commercial, un rôe
bancaire doit êre assurépar ceux-mêes qui contrôent le commerce et la
séuritéde celui-ci. Il y a une confusion de plus en plus éroite entre toutes les
fonctions qui assurent la permanence des éhanges. Cette confusion des rôes se
fait par superposition, sur une trè ancienne fixation mystico-religieuse, de
fonctions politiques, puis judiciaires, fiscales, financièes et enfin spéulatives qui
accentuent systéatiquement une déive du sacral vers le trivial, du thaumaturge
vers l'agioteur, du sacerdoce vers le néoce. L'éolution s'oriente vers la
monopolisation verticale de toutes les fonctions dominantes.
Mais si une seule de ces fonctions vient àfaire déaut, l'ensemble du systèe
s'effondre. C'est ce qui se passera au déut du xxe sièle.
Paul Pascon
727
LES FORMES DU SOCIAL
NOTES
1. Ibn Khai.doun, Discours sur l'histoire universelle (Al-Muqaddima), Beyrouth, é. Unesco,
1968, t. II, pp. 798-799. Le concept de capital symbolique est empruntéàPierre Bourdieu.
2. P. Pascon, Tamesloht, Le Haouz de Marrakech, Rabat, 1977, t. I, p. 261 ss.
3. Ernest Geu.ner, The saints of Atlas, Londres, 1969.
4. Muhammad Ibn Askar, Dawhat an-nachir, Litho-Fè, 1309-1891, trad. A. Graui.le, Arch.
Maroc, t. XIX, 1913, pp. 76-77 et 181-182.
5. A propos de la sadaqa : « Les aumôes sont seulement pour les besogneux, les pauvres,
ceux oeuvrant pour eux, ceux dont les coeurs sont rallié dans le chemin d'Allah. » Coran, 2/274 et
aussi 9/58-60.
6. Le nombre des héitiers d'Ali —1 8 garçns et 1 2 filles —est connu grâe àl'acte de
succession inséédans le Diwan.
7. L'abondance de la correspondance avec les puissances alentour et les rappels àl'ordre du
makhzen permettent de suivre les déarches et les héitations.
8. J.-L. Mièe, Le Maroc et l'Europe, 1830-1894, Paris, 1 960-1 963, 4 vols, suivi de Documents
d'histoire contemporaine et sociale marocaine, Paris, CNRS, 1 969 ; voir encore : « La Libye et le
commerce transsaharien », Revue de l'Occident musulman et de la Méiterrané, 19, 1er semestre
1975, pp. 135-168.
9. J. Caro-Baroja, « Sobre el viejo comercio sahariano », Estudios Moghrebies, Madrid,
pp. 101-109.
1 0. E. W. Bovili., Caravans of the old Sahara. An introduction to the history of Western Sudan,
Oxford, 1933 ; et The Golden trade of the Moors, Londres, 1958.
1 1. Ch. de Foucauld, Reconnaissance au Maroc, Paris, 1888. Oskar Lenz, Timbouctou, trad.
Lehautcourt, 2 tomes, Paris, 1886.
1 2. On se ferait cependant une fausse idé si l'on en concluait que toute l'activitécommerciale
de Husayn b. Hachem durant ces trente-trois annés est enregistré dans le seul ? 3. Il est au
contraire probable qu'un autre registre ait portéles opéations antéieures à1 270 et qu'un autre
encore ait ééouvert àpartir de 1 290, mais je n'en ai pas àce jour connaissance.
1 3. Ei.-Bokhài, Les traditions islamiques, Paris, 1 977, t. II, p. 118, chap. xin. « Celui qui a des
droits a le droit de parler. » On rapporte que le Prophèe a dit : « Le retard de celui qui est solvable
autorise (les paroles blessantes pour) son honneur, et aussi son châiment. »
1 4. Sur la commandite commerciale, cf. Golziher, Le dogme et la loi de l'Islam, pp. 2 1 7-2 1 8 ;
??????, Introduction àl'éude du droit musulman, p. 638 ss. ; Haï Zafrani, Les Juifs au Maroc,
Geuthner, 1972, p. 182, et n. 6 et 7 ; Béi Fakar, La commande (el-quirad) en droit musulman,
Paris, 1910 ; Joachim Gatell, « Description du Sous », Bull, de la Sociééde Gégr., mars-avril
1971, p. 20 ; Oskar Lenz, op. cit., t. I, p. 351 et p. 359.
15. Le mitqal est au xixe sièle une monnaie de compte et non une monnaie rélle. Il vaut
10 awaq (p. de uqiya). Sa valeur canonique éuivaut à29,1 16 g d'argent fin, mais dans l'usage
courant au xixe sièle, il faut l'entendre comme valant 1 0 dirhams réls courants ; l'expression est
exactement : « mitqal de dirham d'argent de frappe actuelle » (mitqal darahim fadda sakka atta'rih).
1 6. Daniel Eustache dit qu'elles ne circulèent pas, car peu de monnaies d'or ont ééfrappés
aprè Mohammad b. 'Abdallah. Communication orale, 19.12.1978.
1 7. Lén Godard, Description et histoire du Maroc, Paris, 1 860, p. 1 66. « Le gouvernement ne
reçit que les monnaies d'or et d'argent et il paye en monnaie de billon. C'est la source pour lui
d'éormes bééices... »
18. Naciri, Istiqç, Arch. Maroc, t. 10, 1907, pp. 188-189.
1 9. L'information arrive àHigh exactement 26 jours aprè que le dahir ait ééscelléàMarrakech. ? 3 373/2.7.3.1852/10.5.1268. « Ledixjoumada 1 de l'an 1268 nous parvient l'ordre
du sultan Mawlana 'Abd-ar-Rahman, que Dieu l'assiste ! d'augmenter la valeur de sa monnaie d'une
demi-mouzouna par once, et le quartier d'une once. Le rial vaut 1 9 onces. »
728
P. PASCON LA MAISON D'ILÎH
20. Ben Zidane, II, p. 341.
21. Naciri, Istiqç, Fumey, AM EX, p. 162.
22. Id., ibid., p. 172.
23. Id., ibid., pp. 188-189.
24. Ben Daoud, Ta'rikh Titwan, citépar Germain Ayache, « Aspects de la crise financièe au
Maroc aprè l'expéition espagnole de 1860 », Revue historique, t. 220, oct.-dé. 1958, p. 32 et
n. 2.
25. Naciri, op. cit., pp. 266-268.
26. J. Farrugia de Candia, Monnaies algéiennes du Musé du Bardo ; P. Ernest-Picard, La
monnaie et le créit en Algéie depuis 1830, Collection du Centenaire, 1830-1930, Paris, Pion,
1930, 435 p. ; M. La voix, Catalogue des monnaies musulmanes de la Bibliothèue nationale, Paris,
1891 ; Mounir Bouchenaki, La monnaie de l'Emir Abd-Al-Kader, SNED, Alger, 1976.
27. Julio Caro Baroja, Estudios Saharianos, Madrid, p. 95. Voir aussi E. Bovill, Caravans of
the old Sahara, op. cit. ; Eduardo Lucini, « La factoria de Rio de Oro », Boletin de la Soc. Geogr. de
Madrid, XXXIII, 1 892, pp. 85-114; Felix A. Mathews, « El Sus, El Uad Nun y el Sahara », Boletin
de la Soc. Geogr. de Madrid, XII, 1882, pp. 513-525.
28. Tichit est en Mauritanie par 18°26 N et 9°30 W.
29. Jules Oudot, Le fermage des autruches en Algéie, Paris, 1880, p. 40.
30. Oudot, op. cit., pp. 151-152.
31. A Villa Cisneros (Dakhla) en 1886, on achèe les plumes selon quatre catéories de prix :
1 250, 625, 60 et 30 pesetas, dans Julio Caro-Baroja, op. cit., p. 95, n. 2. Voir aussi Jean-Louis
Mièe, Le Maroc et lEurope, Paris, PUF, 1961, t. II, p. 131, et t. II, pp. 88-90.
32. Sur ce sujet, voir J.-L. Mièe, op. cit., t. III, pp. 91-93.
33. Beaumier, « Premier éablissement des israéites àTimboktou », Bull. Soc. Gégr., II, 1 870,
p. 26.
34. Cf. Pierre Flamand, Diaspora en terre d'Islam, Casablanca, s.d., pp. 75-76.
35. Id., ibid., p. 55, « Les protéé juifs figurent dans les actes de succession, réartis entre les
cohéitiers ainsi que les terres et les troupeaux » ; p. 56 signale un acte de vente. Charles de
Foucaui.d, Reconnaissance au Maroc, pp. 398-400.
36. Oskar Lenz, op. cit., rapporte que « Sidi Housse'in a éabli une nouveautéinouï, en
permettant aux Juifs eux-mêes de venir au grand mouggar de la zaouï de Sidi Mouhamed Ben
Mouç », t. I, p. 364. Cette indication n'est pas strictement confirmé par les descendants, qui
délarent que les juifs pouvaient ouvrir des boutiques àproximitédu moussem, mais il leur éait
interdit de péérer dans l'enceinte mêe de la foire.
37. En 1880, la population juive est donné par Ch. de Foucault, op. cit., Ilîh 70 familles,
Ifrane 34, Oued Noun (Goulimine) 40, Ouizzâe Zarar ida Oultit (Wijjane) 50, Tamanart 20. En
1951 le recensement des A.I. donne : Ilîh 54 foyers, Ifrane 36, Goulimine 16, citépar Flamand,
op. cit.
38. La premièe expéition de Moulay ai-Hassan date de 1882.
39. Voir en particulier D. Jacques-Meunié Le prix du sang chez les Berbèes de l'Atlas, Extr.
Méoires Acad. Inscript. Belles- Lettres, t. XV, 2e partie, Imprimerie nationale, Paris, 1964, 104 p.,
abondante bibliographie.
40. Oskar Lenz, t. I, pp. 350-35 1 , rapporte que ce systèe d'assurance date de Sidi Hicham luimêe.
41. Cf. P. Pascon, Tamesloht, op. cit., t. I, pp. 263 ss.
42. T. Lewicki, « L'Éat nord-africain de Tahirt et ses relations avec le Soudan », Cahiers
d'éudes africaines, 1 962, 8, pp. 5 1 3-535 ; N. Levtzion, « Commerce et Islam chez les Dagomba du
Nord Ghana », Annales ESC, 1968, n° 4, pp. 723-743 ; Abdallah Laroui, L'histoire du Maghreb,
Maspero, 1975, t. I, p. 97.
43. Il s'agit làdu portage. Avec le roulage, les conditions sont bien difféentes.
44. Abdallah Laroui, op. cit., 1. 1, p. 133, n. 17.
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