Les officiers de renseignement et les contrôleurs civils du protectorat
Les officiers de renseignement et les contrôleurs civils
Les officiers de renseignement et les contrôleurs civils
Le poste
Les officiers de renseignement et les contrôleurs civils
La production des notices, des fiches ainsi que des mémoires repose entièrement sur eux. A cette fin, ils ont reçu une mission, une formation spécifiques.
Leurs missions
Officiers de renseignements et contrôleurs civils se distinguent stricto sensu par la nature, civile ou militaire, du territoire où ils sont affectés. Si les premiers apparaissent au Maroc en même temps que le protectorat est créé, voire antérieurement, les seconds naissent avec le décret du 31 juillet 1913. A cette occasion, Lyautey dans une lettre du 1er août 1913 adressée au quai dOrsay, délimite leurs attributions respectives :
« Dans les territoires militaires, le contrôle est assuré, sous lautorité supérieure des commandants de région et la direction des commandants de cercle, par les bureaux de renseignements. Le chef du bureau contrôle tous les détails du fonctionnement de ladministration des caïds, notamment le prononcé des peines et amendes, la perception de limpôt, les corvées, les fournitures de mouna, ...Il contrôle également ladministration de la justice indigène, examinant en particulier toute les plaintes des plaideurs contre les magistrats. Dans la région civile de Chaouïa, le contrôle politique et administratif des autorités indigènes est assuré dans des conditions analogues par un contrôleur en chef et des contrôleurs civils placés sous ses ordres et il en est de même dans la circonscription créée dans la région de Rabat (Rharb et Beni Hassen). »
Ainsi le contrôle de ladministration et de la justice chérifiennes constitue lessentiel de la tâche qui leur est dévolue. Cependant, leurs fonctions ne se circonscrivent nullement à ces deux domaines. En effet, si lon se réfère aux instructions pour la Tunisie du 1er juillet 1882, qui prescrivent aux commandements de poste de "connaître les ordres religieux existant dans leur circonscription, de réunir sur les tribus de leur cercle des documents historiques, de réunir les renseignements géographiques et topographiques", on constate que le rôle politique et militaire des officiers de renseignements touche à lorganisation religieuse, à la géographie, à lhistoire. Or, ce sont tous ces aspects que traitent les monographies produites par les officiers de renseignements. Il en va de même pour les contrôleurs civils, qui, selon Lyautey, dans une lettre du 31 octobre 1917 adressée au quai dOrsay, « nont pas seulement pour mission de contrôler la justice et ladministration indigène proprement dites ; ils sont en réalité les véritables administrateurs du pays, chargés de centraliser et de coordonner, en toute matière (Travaux publics, colonisation...) laction du gouvernement dans leur circonscription ». Le capitaine Ayard, alors commandant du cercle des Beni MGuild, est amené dans une lettre de 1929 (notice 441, 7) à préciser ces compétences requises de lofficier de contrôle : « en plus des qualités militaires, cet officier administrateur doit être diplomate, ingénieur, agriculteur, légiste, comptable, arabisant ou berbérisant », ce qui explique la diversité des cours suivis à lInstitut des hautes études marocaines, lieu de leur formation.
La formation
Le recrutement des futurs agents de contrôle se fait, pour les officiers de renseignement, au choix, en fonction des notes de lofficier qui demande à entrer dans le corps des Affaires indigènes, tandis que les contrôleurs civils doivent passer un concours. Une fois sélectionnés, les officiers se retrouvent avec les contrôleurs civils au centre de perfectionnement à Meknès tout dabord, et ce jusquà la fin de la première guerre mondiale, puis à lInstitut des hautes études marocaines de Rabat, créé sous limpulsion de Lyautey. Ceux-ci suivent pendant neuf mois un programme qui comprend :
. létude des langues parlées (arabe, berbère, et même quelques notions despagnol) . la connaissance du Maroc, son histoire et sa géographie . des leçons sur lislam, les institutions musulmanes, le monde musulman , son histoire et son évolution . un travail avec les services techniques ( services agricoles, génie rural, eaux et forêts, services des mines ; médecine vétérinaire) . létude du droit musulman, du droit coutumier berbère, du droit administratif et du droit privé français ainsi que du droit international.
Un examen de sortie met un terme à cette année scolaire et aboutit à un classement, en fonction duquel ils peuvent choisir leur poste.
Les militaires et les fonctionnaires civils exerçant des fonctions hors de la métropole et plus précisément en terre dislam peuvent, sils le désirent, parfaire leur formation - une sorte de formation continue - au Centre des hautes études dadministration musulmane, fondé en 1936 par Robert Montagne. Ladmission des candidats seffectuait sur présentation dun mémoire sur un sujet politique, économique ou social de leur compétence. Ils suivaient ensuite pendant trois mois à Paris un enseignement magistral et un cycle de conférences données par des spécialistes. "Structure et évolution de la société bédouine, institutions berbères et leurs transformations, vie sociale et économique des pays musulmans de type archaïque, économie traditionnelle et moderne des pays dislam, vie des minorités de lorient, reconnaissance culturelle et politique des pays arabes, développement des nationalismes, tendances de la jeunesse, diffusion de la presse et de la propagande, tels sont les chapitres successifs généralement abordés au cours du stage", indique une brochure du CHEAM de 1946. Le principe général qui y est admis est la "mise en commun des expériences" des fonctionnaires venus de toutes les administrations de lempire colonial mais aussi des médecins, des professeurs et des ingénieurs. Ainsi, les leçons magistrales sont-elles suivies de discussions autour dune table où saffrontent différentes méthodes, où sont comparés les résultats obtenus. A lissue de ce stage, ils devaient produire une étude approfondie sur un sujet en rapport avec lexercice de leurs fonctions et se voyaient décerner un brevet de hautes études dadministration musulmane.
Le poste
Il se situe à lendroit vital du pays, par exemple dans lenceinte dune vieille kasbah (citadelle), dont le chef de poste relève les ruines. Il prend le nom du douar (groupe de tentes), de la kasbah, de la tribu ou du lieu-dit. Le chef de poste sentoure dun personnel français qui peut comprendre un adjoint, un médecin, un officier-interprète, des secrétaires et des ouvriers militaires, tels que chauffeurs dautomobile, électriciens de T.S.F. - boulangers, menuisiers, forgerons... et dun personnel indigène, le chaouch (chef dun groupe de mokhaznis) et les mokhaznis, les cavaliers. Louis Mercier, auteur dune notice intitulée « Conseils à un officier qui crée un nouveau poste » (441, 6), souligne que, pour la survie de lharmonie de cette petite communauté, « il faut vous imposer la discipline du keep smiling. Vous êtes peu nombreux, obligés à vivre entre officiers à la même table, bien que votre formation soit différente, que vous ayez chacun vos soucis personnels, peut-être même vos opinions politiques et vos idées propres sur le rôle qui vous est dévolu dans le poste. Cest donc par votre égalité dhumeur, votre pondération et votre fermeté tout à la fois que vous, le chef du poste, devez maintenir la bonne harmonie entre vos collaborateurs ».
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